Commentaires et critiques
(Georges Fréris) |
Georges FRERIS |
|
Après avoir défini la francophonie grecque, littérature marginale de la périphérie minoritaire et la place qu'occupe aujourd'hui Théo Crassas dans cette production littéraire, on envisage de présenter son œuvre poétique, en mettant l'accent sur son thème préféré : l' affection érotique. À travers ce thème, le poète exprime une sensualité cosmique, encyclopédique et mythique, présentant un art simplifié de la syntaxe, d'où jaillit le sens de l'archaïsme, de la dérivation, du doublet rare ou recréé de toutes pièces. Mais le poète ne se contente pas de l'ivresse ordonnée et de la folie des sens.; il se plaît à énumérer l'énergie érotique, par une intensité de flux verbal, par une efflorescence effective, par un amour à la langue. À travers cette technique, le lecteur constate une force de conviction, une force lumineuse de glissement majestueux, qui s'oppose aux mélodies constamment contrariées. Le poète soucieux pour la beauté féminine et pour la perfection en général, recherche le mystère de la beauté, préoccupé avant tout de faire émerger une poésie éruptive, lisse et maîtrisée, une poésie qui refuse le beau vers. Crassas utilise une strophe soyeuse, aux mètres courts et enchaînés, un discours lumineux, une réverbération vénusienne, donnant à sa poésie un précipité lyrique, riche de couleurs, de sons, d'images, traits qui forment une affectivité spéciale, une affectivité dont la clé se trouve dans sa langue poétique. En général, en mettant l'accent sur ce grand poète d'une littérature complètement ignorée et très mal diffusée, on espère donner un aperçu d'une autre littérature minoritaire. |
|
|
Extraits d’une lettre de Georges et Maria Fréris en date du 15juin 2009 sur « Vierges Royales ».
…..Mille merci pour l'envoi de la dernière collection poétique de Théo, Vierges Royales, qui émergent de l'écriture du corps et d'une sensibilité diachronique de l'érotisme naturel et spontané. Chaque poème est une hymne au corps de la femme, un «magnificat» à l'imaginaire corporel, une louange à la nature qui nous invite à jouir de l'amour. Les quatre poèmes composent une symphonie où le lecteur reste perplexe devant le charme du miracle de l'amour qui provient de l'Orient et de la pensée limpide occidentale, de la mer et des versants verdâtres de la nature méditerranéenne, de l'imaginaire harmonieux de la pensée hellénique, de la vision mystique et secrète hindoue. Sans jamais perdre le rythme, les vers reproduisent les pulsions du plaisir, évoquent l' élévation de l'âme, nous mènent à l'extrême sagesse de nos sensations, parviennent à recréer une atmosphère de songe où réalité et rêve s'unissent en couple parfait….
Lettre de Georges Fréris en date du 6 avril 2008
Bien chers amis,
C’est avec un certain retard que je vous réponds par écrit pour vous remercier du dernier recueil poétique, Véhicule de Diamant de Théo, envoyé depuis deux mois.
Encore une fois, Théo dépasse les limites de son identité pour devenir citoyen universel, cherchant l’esthétisme à travers un monde qui a perdu sa mémoire culturelle. Théo nous aide à découvrir à travers son rythme le trésor de notre bonheur, l’inachevé, l’inavoué, l’inédit, la libido inconsciente.
C’est un livre qui s’inscrit dans la filière de la suprématie de l’art sur le reste des activités humaines et la suprématie de l’art littéraire en particulier.
C’est encore un plaidoyer pour un humanisme universel, grâce à son extrême érudition et à son esprit libre face à la marée montante du mal et de la bêtise. Il me fait penser à Camus qui évoquait lui aussi une suprématie de l’art, même s’il doutait de tout.
Nous souhaitons que Théo soit toujours créatif, plein de santé et que tous deux soyez comblés par l’esthétisme que vous incarnez.
Bien cordialement,
Georges et Maria
P.S. Je viens de recevoir, par courriel, confirmation de participation au Congrès de La Société Française de Littérature Générale et Comparée, à Dijon, le 3-5 septembre 2008. Mon sujet de communication approuvé est :
« Culture personnelle ou cosmopolitisme multiculturel ? Le cas de Théo Crassas »
Lettre de Georges Fréris en date du 14 octobre 2007
Cher Théo,
Merci de l’envoi de votre recueil poétique Jasmin de Judée, recueil plein de sensualité et de rythme. Vos sept poèmes sont le résultat d’une pensée, d’une réflexion profonde, je crois la plus philosophique de votre oeuvre. Au sens que vous essayez de déterminer le rôle de la femme, la femme créatrice, la femme mère, la femme divinité de la douceur et de la consolation, la femme provocatrice mais toujours sainte, la femme enchanteresse.
Poursuivant votre enquête sur cette image de la féminité éternelle, vous parvenez à vous défaire des images de la féminité moderne. Vous êtes attaché à l’image de la femme d’antan, de la femme source de vie, des passions, des désirs. Et justement, le fait de combiner la forme mythique avec la femme chrétienne, Artémis et Marie, vous parvenez à créer ce Jasmin de Judée, ce parfum du monde moderne où l’homme a épuisé sa « force génératrice » pour « la joie et le bonheur de l’être ».
Vous ne dénaturez pas la femme. Vous lui donnez un autre souffle, un air naturel, une allure entre celui de la sainteté et de la quotidienneté, un aspect personnel, comme celui de votre style, de votre talent de combiner le mythe avec la réalité, le rêve avec le symbole, l’image avec le sentiment.
Georges Fréris
Publié sur le site de l'Université Aristote de Salonique-
Dictionniare des poètes grecs francophones
CRASSAS, Théo (1947 - )
Poète
Né le 9 avril 1947, a Bujumbura de Burundi, ce poète d’origine chypriote-grecque, descend d'une famille littéraire francophone de Constantinople. Théo Crassas compose ses premiers poèmes en langue française à l’âge de 24 ans, alors qu’il poursuit ses études de Droit en France, à Aix-en-Provence. En 1977, il monte à Paris et se consacre exclusivement à la poésie. Jusqu'en 1982, il publie quatre recueils dont Yves Bonnefoy remarque la « grande force et les images frappantes ». En 1993, il rentre en Grèce et publie le double recueil Essences d’Orient et Plis de Liberté, après quinze ans de silence. Depuis, Crassas connaît une grande intensité de création « comme si le flux ne pouvait chez lui se contenir» (J.P. Gavard-Perret).
Son écriture, qui au cours des recueils devient de plus en plus « minimaliste dans sa construction en opposition à la richesse du vocabulaire » (L. Wasselin), s'organise systématiquement autour d'images poétiques syncrétiques qui s'enchaînent les unes sur les autres au moyen de comparaisons et de métaphores jusqu'à l'implosion totale du sens; au point où «on ne sait plus où il commence ni où il s'arrête, ce flot, ce fleuve de langage» (M. Cosem). Ainsi, à rebours de la tendance minimaliste et fragmentaire qui domine la poésie de la fin du XXe siècle, son style d'une « abondance heureuse » (G. Jacquemin) et d'une originalité verbale saisissante, s'inscrit dans la tradition du lyrisme liturgique, dans la lignée du Cantique des cantiques, des Psaumes ou encore du poète iranien Hâfiz de Chirâz dont on le rapproche. L'axe thématique central de l'oeuvre poétique de Crassas concerne la relation entre le « je » poétique, le cosmos et la poésie. Cependant, de recueil en recueil, cette relation tridimensionnelle mystique évolue en même temps que le poète s'affirme, passant du stade de simple fidèle des premiers recueils à celui de l'initié, de l'initiateur et de l'amant.
Théo Crassas, sent non pas un abîme mais une sorte de quête. Il est à la recherche d’une réponse satisfaisante de son problème affectif, problème identitaire, qu’il essaie de résoudre par un système personnel de références. C’est pourquoi, il s’adresse d’abord à l’Orient, c’est-à-dire à cette tendance de l’esprit humain qui est parvenue aux plus hautes et pures expressions mystiques, à la fois dualiste dans sa vision du monde et moniste dans son accomplissement. Autrement dit, sa poésie érotique ou non, tend à l’absorption de tous a Un, à la fusion totale avec Dieu-Nature-Puissance. Mais il ne nie pas non plus la conception occidentale, voire celle qui présupose qu’entre Dieu et l’homme, il existe un abîme essentiel, par conséquent, pas de fusion possible, ni d’union substantielle, mais simplement une communion, une sorte d’illumination ou de conversion, c’est-à-dire un signe de Dieu vers l’homme . Pour cette raison, Crassas tranche pour la beauté, pour l’harmonie, pour une esthétique cosmique qui lui sied à merveille. C’est-à-dire que sa mémoire devant le modèle oriental et occidental décide d’opter pour une identité de fusion, pour une identité personnelle.
Pour Crassas il existe un lien étroit entre la sexualité, la vie et le rêve. Mais l’amour n’est jamais très éloigné du rêve. Retrouver la faculté d’émerveillement est une des quêtes fondamentales du poète grec, pour qui l’amour et l’érotisme peuvent en être d’efficaces instruments. Car si le merveilleux est affaire de création personnelle, de moments privilégiés et siège essentiellement dans la littérature, il peut briser le frein de l’esprit critique, permettre de s’éloigner du monde réel et de pénétrer dans celui qui engage l’affectivité toute entière. Et si le merveilleux peut naître de l’inattendu des rencontres, s’il est tout à la fois porteur de poésie et de provocation, alors il se cristallise volontiers sur l’image de la femme, par le signe de la femme-dieu.
Je veux comme un Faust
surgi de nulle part