Commentaires et critiques
(Jacques Taurand) |
Lettre de Jacques Taurand à l'auteur en date du 5 Mars 2005, à propos de «Pèlerin de l'aurore». |
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Cher Théo, |
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Préface de Jacques Taurand à Absides d’Eau et Citadelles de Cuivre. Editions associatives Clapas. Février 2000
«….Cet impressionnant diptyque constituerait- il dans la création poétique, déjà considérable, de l’auteur, un apogée? Projet certes ambitieux, le poète se propose ici, dans une sorte de gigantesque olla-podrida syncrétique, de recenser et de confronter, pêle-mêle, quasiment toutes les tentatives majeures d’élucidation métaphysico- philosophiques et eschatologiques, du sens de la destinée humaine. Outre les mystères et les mythes fondateur largement évoqués, il ramasse, dans un ample mouvement, les diverses démarches illuministes et théosophiques, de l’Orient de Sumer, dans l’ombre de Gilgamesh, à l’Occident de Dante Alighiéri et Nietzshe-Zarathoustra…, des mystères de l’initiation en Egypte, sous le règne du pharaon Akhenaton, à la recherche ésotérique et mystique d’un Ibn-Arabi…Il survole, à travers l’espace et le temps, tous les grands systèmes et leurs figures de proue, les Aventuriers de l’esprit en mal de Grand Oeuvre, comme Henri le Navigateur et ses émules qu’il nomme: « les docteurs du Destin/
et les nautoniers du Vaisseau/ terrestre!». Bien entendu, dans cette tapisserie de haute lisse, la Femme occupe une place de choix, Grande Prêtresse de l’Amour, Médiatrice en toutes choses, qu’elle porte le masque de la Diotima de Platon, celui de Nefertiti, de Inès de Castro, de Béatrice, de Isis ou même de la Vierge; en somme de «toutes les épousées de Baal/les servantes de Dieu/ aux visages d’albâtre….de toutes les filles d’Ishtar…»
«....Si l’on me demandait de rapprocher cette oeuvre monumentale d’une peinture célèbre, je serais tenté de la comparer à Nuit étoilée de Van Gogh, tant s’y exprime avec fougue et passion, dans une sorte de gigantesque coït cosmique, l’aspiration à se fondre dans la gravitation universelle ce que sembletraduire de passage de «Absides d’eau»:
« Et la nuit tombée,
ces cavales
que sont les cheveux
du Poète
allumeront les étoiles
des galaxies
majestueuses!»
Ou encore, dans «Citadelles de cuivre»:
Et les météores et les comètes
et le soleil et les lunes
et leurs danses circulaires
leurs rondes incessantes
autour de l’Être..».
Étonnant défi que ce dernier et double recueil de Théo Crassas que l’on pourrait qualifier de Churrigueresque. A-t il atteint son but? Est-il l’expression d’une folle aventure de l’esprit, de celles qui font découvrir de nouveaux continents?....
J’ai tenté de décrypter quelques-unes des notes modulées par Le Rossignol de Tell- al Amarna, c’est à dire du chant solaire exceptionnel de l’aède –pyrographe Théo Crassas, sur le long chemin de la vie éternelle...Au moins y aurais-je entrevu l’acte premier du verbe poétique, celui qui, merveilleusement, nous révèle dans Absides d’eau et Citadelles de cuivre que:
Le mouvement
imprimé à l’azur
par la Terre
engendre le rêve!
Jacques Taurand
L’Île-Adam, janvier 2000.
Dans le paysage assez terne, et décharné, de la poésie du moment ce nouveau recueil de Théo est une belle bouffée de vie. Il est difficile de refuser de se laisser emporter par ce Véhicule de Diamant et de ne pas tenter l’aventure ascensionnelle de l’éternelle Aphrodite de Praxitèle. Les mille et un feux du talent de Théo, irrigué par une superbe culture, lancent ici les magnifiques épées d’un pénétrant savoir qui nous conduit au Saint des Saints de toutes choses. L’art de Théo, grand navigateur de bibliothèques, est celui d’une connaissance vivante, passée au feu purificateur et démultiplicateur de la poésie. Il nous offre ici tout ce que peut effectivement signifier «l’érotisme mystique», voie de transmutation totale, élévation vers la suprême transcendance «qui sait faire fusionner / l’Âme individuelle / avec l’Âme universelle / en une indicible extase, / en une sortie de nous-mêmes!» Cette expression: «Sortie de nous-mêmes» cristallise avec bonheur cette échappée que permet la poésie, cette ‘aile d’éternité’, qui nous fait prendre l’envol vers l’Empyrée. C’est dans une sorte d’intuition illuminante, empruntant «une galerie pareille à un pont de verre/ où seraient réunis / les livres du monde entier», que Théo nous indique le chemin d’un syncrétisme salvateur où «dans l’amour on ne peut distinguer / le divin de l’humain / le sacré du profane» où de même, dans le fleuve héraclitéen, s’opère la fusion des contraires. Avec ce Véhicule de Diamant, Théo a su nous faire franchir «la Porte murée / de (l’) ombilic delphique!» vers «l’ultime Réalité».
L’Ile-Adam, le 17 Février 2008
Notes de lecture
De Jacques Taurand
THEO CRASSAS : Pèlerin de l’aurore – Encres de Sylvaine Arabo (Ed. Encres Vives, coll. Encres Blanches N° 191 dirigée par Michel Cosem – Mars 2005, 6, 10 €)
Une fois encore, déroulant inlassablement ses serpentins de lumière, Théo Crassas-le-Magnifique, le faiseur de beauté, nous donne à voir un éclatement d’images en cascades jaillies de toutes les mythologies qui se sont sédimentées dans la mémoire collective et dont les laves incandescentes ne cessent de bouillonner dans l’inconscient du poète. Nouvelle éruption de l’aède du Mont Pentélique qui se prétend : « …le grand prêtre d’Aphrodite » ce qu’on ne peut lui dénier si l’on en juge par sa puissance et sa fécondité verbale ! Dans la harpe céleste de Crassas-le-Pèlerin se prennent et chantent les étoiles, coulent les vers comme autant de diamants dans la ténèbre nocturne et s’irisent aux premiers feux de cette aurore qu’il appelle, qu’il convoque et qui a lieu dans l’émergence même du poème - soleil éblouissant montant à l’horizon de la page : « Ouvre les iris de ton coeur / et de ton esprit / à l’art poétique ! » D’aucuns, face à l’abondance des recueils qui se succèdent, diront : délire ! Je corrige et dis : « Délyre ! » On ne peut en effet faire entrer la démesure prométhéenne et apollinienne de cette création dans les tiroirs mesquins des habituels critères. La création de Théo Crassas est atypique et s’impose comme telle. Le poète prend soin de nous avertir : « Or, l’homme et la femme d’Occident / sont plus durs que les roches basaltiques, / plus féroces que les fauves / et plus funèbres que le Cerbère ! » Il y a quelque chose de holderlinien chez ce poète dont les fantasmes célèbrent la soif d’une Parole Perdue et sont pure incantation de l’Absolu. Souhaitons à Théo le Pèlerin de l’aurore, ce qu’il se souhaite lui-même : « …qu’Apollon-Soleil / (lui) accorde le laurier / du concours lyrique / qui se tiendra à Délos la brillante, / l’ïle de la Manifestation divine / et reine de l’Egée ! »