Commentaires et critiques



       

  (Jean Dif)

 

 

       

Message du 21 Janvier 2007

       

« Ce recueil (ZANTE) s'inscrit dans la veine des derniers que vous m'avez fait parvenir. Inspiré par Zante-Zakynthos, la Fleur du Levant des Vénitiens, une sorte de trait d'union entre l'Orient et l'Occident, il vous permet de vous enraciner fermement dans vos origines, tout en gardant ouvert votre esprit sur d'autres horizons. Cette île a la forme d'un étui de poignard, d'une lame, mais aussi celle d'une corne d'abondance; elle est donc à la fois aiguë et débordante de richesse, généreuse, comme votre poésie. J'aime votre allusion au mont Cyllène, où Maïa donna naissance à Hermès à qui nous devons la lyre. Les portraits du Fayoum, si expressifs et si véridiques, ont traversé le purgatoire des ans et de l'oubli, comme j'espère que votre poésie le fera. Héphaïstos, maître du feu et créateur d'objets magiques, évoque assez bien la figure du poète, lequel doit surmonter les épreuves pour en tirer la magie du verbe. Calliope engendra dit-on Orphée; il est bon qu'elle voisine la belle Lakshmi, fille de la sagesse et épouse d'un dieu, exilée qui renaît du barattage de la mer de lait pour en tirer la liqueur d'immortalité, sage et parfaite bienfaitrice, vénérée pour la sagesse, qui répand à pleine main la richesse sur le monde. Quant à Madjnoun, il nous rappelle que toute vraie passion se nourrit de l'inaccompli, et n'est-ce pas le symbole du poète toujours à la recherche d'une perfection qu'il sait inaccessible.

Bref, votre poésie, ancrée dans la terre de Grèce, foisonne de symboles qui rejoignent les grands mythes de l'humanité et j'ai même cru y entendre, ça et là, quelques échos du Cantique des Cantiques.

       

 

       

Message de Jean Dif en date du 23 septembre 2007

       

J’ai lu avec un plaisir renouvelé votre dernier recueil «Jasmin de Judée».
J’admire votre vaste érudition et l’art avec lequel vous
faites ressortir les rapports existant entre les grands mythes de l’humanité, en quelque sorte le tronc commun de toutes
les religions. Il est bien vrai, par exemple, que le mythe de la grande déesse mère se retrouve à travers le temps et l’espace dans l’expression religieuse de plusieurs civilisations,
d’Isis la Protectrice, incarnation du trône, à Coatlicue, déesse de la terre, mère des Dieux, de l’Egypte au Mexique précolombien, en passant par le Moyen-Orient, la Méditerranée, l’Irlande….
D’Inanna, fille du dieu-lune, déesse de l’amour et de la guerre,
symbole du pouvoir féminin, exploratrice des Enfers, régnant
sur la vie et la mort, à la phénicienne Ashtar, de la phrygienne Cybèle, mère des Dieux, à la crétoise Diktynna, à Macha, qui mène les hommes au combat, dompte les chevaux, l’héroïque, la
grande déesse qui se métamorphose en corneille, que l’on tue
et qui revient. J’imagine que Mahakali, nue et noire, la
bouche toujours ouverte pour avaler l’univers, n’est que l’antithèse indienne de la grande déesse, mère du monde. Erzurie Freda Dahomey, la femme voluptueuse, l’amoureuse pleine de
douceur, mais aussi la Vierge Miracle, la Mater Dolorosa
symbolise bien le syncrétisme du Vaudou imprégné de croyances africaines mêlées aux croyances chrétiennes. Comme en écho aux travaux d’Hercule, la fabuleuse Sumer ne nous
renvoie-t-elle pas ceux de Gilgamesh? Lors de mes voyages
en Extrême-Orient, en Chine comme au Vietnam, j’ai souvent
rencontré des représentations de cet avatar d’Avalokitésvara,
Bodhisattva de la compassion, protecteur du Tibet, Kouan-yin,
qui prend une apparence féminine, afin, dit-on, d’éviter que
la pudeur des femmes ne s’effarouche à l’idée de mettre à nu
leur âme devant une Déité masculine, elle figure sur un lotus avec une fiole renversée à la main. Je me plais à croire que le Christ
n’est pas né par hasard à Noël, c’est-à-dire à peu près au solstice d’hiver, c’est-à-dire à l’époque où les anciens Indo-européens d’Asie centrale fêtaient la renaissance de l’année. Enfin, j’aime imaginer que Lakshmi apporte la liqueur d’immortalité, procurée
par le barattage de la mer de lait, comme le poète, en s’unissant
à son inspiratrice, lors de la fête de la lune noire.
Je vous remercie de l’honneur que vous me faites en publiant
mon message sur Zante en quatrième de couverture de
votre recueil et je suis particulièrement touché de votre gentille dédicace.
Continuez à produire de si beaux textes.

       

Jean Dif


       

 

       

Le titre de votre dernier recueil m'a, au premier abord, fait penser qu'il été entièrement consacré au bouddhisme tibétain. Au fil de ma lecture je me suis rendu compte que, si les allusions à cette religion constituait bien la trame de votre propos, vous ne vous départissiez pas de l'oecuménisme qui traverse vos autres textes et que les rapprochements qui s'imposent entre le bouddhisme et les autres religions n'en étaient pas absents.Ramakrishna ne professait-il pas que toutes les religions au fond recherchent la même chose?

Mahakali la grande déesse hindoue, origine de l'univers, épouse de Shiva, principe de la destruction créative, Mahakali donc, n'est-elle pas la variante féminine de Mahakala, le maître de la mort tibétain. La sérénité souriante, gardienne d'un impénétrable secret, que l'on observe sur le visage du Bouddha, notamment à Angkor Thom, se retrouve aussi, comme vous le remarquez justement, sur celui de statues grecques et chrétiennes.Le principe de la trinité, et bien d'autres choses aussi, est présent chez Vishnou le protecteur, dieu de la vie, de la mort et de la résurrection. L'anachorète occidental se déifie à travers le Christ par la solitude au fond du désert, comme les ermites tibétains parviennent au nirvana dans l'enfermement des grottes de l'Himalaya. Parvati séduit Shiva par son amour et sa constance et de ce couple naît Ganesh, le dieu de la sagesse et de l'intelligence à tête à tête d'éléphant, lointain cousin d'Athéna, déesse casquée sortie armée du cerveau de Zeus. Amida, est l'avatar japonais d'Amitaba, bodhisattva de la lumière infinie, dont le Panchen lama est la réincarnation. Dans le bouddhisme, comme dans le taoïsme, philosophie et religion se confondent. Le tao est la force fondamentale qui coule en toutes choses, vivantes ou inanimées; c'est l’essence de la réalité, par nature indicible et indéterminable, l’unité qui transcende la dualité yin-yang et le bouddhisme s'efforce de surmonter les oppositions comme aussi le poète cherche à atteindre le point focal à partir duquel le bien et le mal cessent d'être perçus contradictoirement. Le tantrisme vise la spiritualité à travers des pratiques corporelles; l'union physique y joue un grand rôle, ce qui explique les nombreuses représentations de l'accouplement ornant les temples tibétains. Enfin, si le Cambodge, pratique aujourd'hui le petit véhicule, plutôt que le grand véhicule, pour ne pas parler du véhicule de diamant, les temples cambodgiens furent tour à tour dédiés au culte hindou et au culte bouddhiste et l'on y retrouve donc cette sorte de syncrétisme religieux qui vous est cher.

Comme un bodhisattva du véhicule de diamant, le poète, inspiré par les dieux, transforme en élixir de vie les poisons des fleurs du mal au bénéfice de l'humanité.

Je vais placer sur mon site un extrait de votre beau recueil.

Amicalement.

       

Paris, le 15 mars 2008

Jean Dif


       

 

       

Je vous remercie pour l'envoi de "Vent du sud" qui m'a apporté une bouffée de chaleur et d'odeurs méditerranéennes dans l'hiver rigoureux qui s'attarde en France. Je lis toujours vos recueils avec un plaisir renouvelé. Mais je ne sais plus trop qu'en dire car il me semble que j'ai déjà dû me répéter à plusieurs reprises depuis que j'accuse réception des beaux textes que vous m'envoyez avec une ponctualité et une générosité qui m'étonnent. Il semble que votre verve soit inépuisable, ce qui est incontestablement la marque d'un poète inspiré par les dieux.

On retrouve dans "Vent du sud" ce qui fait la richesse de votre poésie: sa simplicité et la perfection des images, qui paraissent une suite continuelle au prestigieux "Cantique des cantiques" avec ces fréquentes allusions à la mythologie, notamment grecque, qui révèlent l'étendue de votre vaste culture; l'originalité aussi de votre verbe qui coule en de longs poèmes, puissants comme des fleuves, manifestement nés d'une impérieuse nécessité dans un temps où la plupart des poètes font preuve d'une telle économie qu'ils ne touchent plus qu'eux-mêmes et que, faute d'atteindre la mer, ils finissent par croupir dans des mares. Ce n'est certes pas le sort réservé à votre poésie!

Selon ma tradition personnelle, j'ai extrait quelques vers de votre recueil pour les faire figurer dans mes "Notes de lecture". J'ai choisi ceux qui me semblaient les plus significatifs, en relation avec les remarques admiratives que j'exprime ci-dessus.

Encore une fois merci.

Cordialement.

       

Jean Dif


Message de Jean Dif en date du 09 mars 2010


       

 

       

Message de Jean Dif en date du 26 mars 2011

       

Que dirais-je de plus que je n'ai pas déjà dit à propos de vos titres précédents. En changeant de pays, en nous emmenant des îles au Jus de Mangue vers la terre ferme de l'immense Chine qui est à elle seule un continent, vous restez vous-même, un voyageur qui fait son miel des différences, sans que cela n'altère la profonde vérité qu'il porte au tréfonds de lui-même, laquelle impulse sa démarche. Sensible à la sagesse qui imprègne le meilleur de la philosophie chinoise, votre poésie n'en reste pas moins proche de ce Cantique des cantiques modernes qu'est devenue votre dire au fil des livres. Chacun de ceux-ci procure aux lecteurs un plaisir renouvelé et je vous en remercie une fois de plus.

       

 

       

Message de Jean Dif en date 14 février 2012.

       

J'accuse réception de votre dernier ouvrage: Le danseur-Roy.

Je l'ai lu toujours avec le même plaisir et, dès la couverture, il m'a semblé voir de sveltes apsaras virevolter sur les murs des temples cambodgiens et autour des devas baratant la mer de lait en faisant tourner une montagne sur le dos d'une tortue, grâce à un serpent, pour en extraire la liqueur d'immortalité. Mais ce n'est pas au Cambodge que vous nous conviez mais plutôt aux Indes et Vous me pardonnerez, je pense, cette courte digression au nom de la parenté qui existe entre les mythologies de ces deux pays.

Comme toujours votre texte s'enrichit d'allusions aux religions des pays qui vous inspirent. Vos connaissances en la matière semblent si vastes qu'elles ne peuvent venir que du coeur. Vous faites danser Krishna, enfanté d'un cheveu noir de Vishnou, le dieu bleu foncé qui ne laissa jamais aucune femme insatisfaite, avec son épouse préférée Râdhâ, sur les bords de la Yamuna, peut-être à l'endroit où s'élève aujourd'hui le Taj Mahal, sublime hymne architectural à l'amour dont l'inoubliable silhouette immaculée s'élève sur la rive de cette rivière sacrée de l'Inde, moins connue que le Gange mais non moins importante. Cette rivière n'est-elle pas la fille de Sûrya, le dieu du soleil, et la soeur de Yama, le dieu de la mort?

Votre chambre d'amour est décorée de scènes épiques du Râmâyana dans lesquelles le prince Râma, septième avatar de Vishnou, chassé du trône qui aurait dû lui revenir, privée de Sîta par le démon Râvana, triomphe néanmoins de ses ennemis en s'alliant au roi des singes, évident symbole de l'alliance de la religion avec la nature.

Vous avez raison de souligner la parenté qui existe entre Shiva, le destructeur des illusions mais aussi le régénérateur du monde, le dieu dont le symbole est un phallus, avec le Dionysos grec, le dieu qui traverse la mort pour naître une seconde fois, celui des pampres et renaissances printanières. Vous rapprochez aussi Parvâti, fille de l'Himalaya, seconde épouse de Shiva et mère de Ganesh, le dieu de la sagesse et de l'intelligence à tête d'éléphant, de la phrygienne Cybèle et de Rhéa, sa variante grecque, que les Romains considéraient comme la mère des dieux. De même Indra, le roi des Dieux, d'origine indo-européenne, le toujours victorieux, le dieu chevauchant un éléphant, pourrait être comparé à l'Odin des légendes germaniques. Ainsi circule entre les religions, dans le temps et l'espace, le même sang qui sourd du plus profond des racines de l'humanité.

Vous trouvez dans l'érotisme à la fois une pulsion de vie et une pulsion de mort, et il est juste de dire que ces deux pulsions ne sont que les deux faces d'une même médaille qui pourrait être celle de Shiva dont les ébats avec Parvâti, tels que vous les évoquez, sont davantage tournés vers la volupté que vers une triviale volonté de se prolonger à travers des enfants. D'ailleurs, pour des dieux immortels, quel sens la reproduction pourrait-elle avoir? Une autre question vient alors à l'esprit: le plaisir gratuit est-il l'apanage des seuls dieux et l'homme qui s'y livre ne se rapproche-t-il pas de la divinité?

Je vais choisir quelques extraits de votre ouvrage pour les placer sur mon site.

       

Cordialement.

Jean Dif