Commentaires et critiques
(Jean Joubert) |
Lettre de Jean Joubert datée de février 2001 |
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Je suis sensible au souffle du langage de Théo Crassas, à son sens de la célébration, au foisonnement des symboles et métaphores dans la liberté de l’imaginaire. |
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Préface de Jean Joubert à «Algues Rouges
suivi de Trompettes Angéliques.
Editions Associatives Clapas. Août 2001
Pour saluer Théo Crassas
Longtemps, pour moi, la personnalité de Théo Crassas
a été entourée de mystère. Je lisais des recueils intitulés
Absides d’eau, Idoles de brocart, Plumes de sang, tourbillons de colibris, Voix de safran. De livre en livre, captivé par cette voix si singulière et entre toutes reconnaissable, je ne pouvais que m’interroger sur l’existence d’un homme dont, en dehors de ses poèmes,
je ne savais pour ainsi dire rien, sinon que ses brefs messages me parvenaient d’une Grèce lointaine, en laquelle j’ai toujours vu moi-même comme une patrie d’élection.
Une mince brochure m’apporte, en quelques pages, des renseignements biographiques qui dissipent une partie du mystère, sans pour cela détruire l’aura qui environne le poète. Bien au contraire! Africain, né à Bujumbura (Burundi), il y a une cinquantaine d’années, il s’est établi, après de nombreux voyages, à Kifissia, à proximité d’Athènes. C’est là qu’il vit, solitaire, dans ce qu’il nomme «une chambre d’anachorète»: une table, une chaise, un lit, une fenêtre donnant sur un paysage méditerranéen. Dans le souvenir ardent que je garde de ce pays fraternel, de ses parfums, de sa lumière, de l’éclat des murs chaulés, je peux imaginer, dans ce cadre, le poète livré à la passion des mots, des rythmes, des images. Dans la simplicité du jour, c’est la ferveur de la création qui l’occupe et le bonheur d’écrire dissipe les ombres.
Je viens de recevoir, sous une enveloppe ornée de timbres somptueux dont les Grecs, comme les Africains, ont le secret, les manuscrits de deux recueils:
Algues rouges et Trompettes angéliques.
Aussitôt, j’ai renoué avec le souffle qui traverse et parcourt les cimes du langage. et c’est l’image d’une forêt tropicale qui s’impose à moi, avec le foisonnement des vocables et des métaphores, issus de la terre la plus féconde. Eros est toujours au centre du paysage. La femme reste omniprésente, dans ses incarnations successives -mère, amante, inspiratrice, déesse:
femme charnelle et spirituelle à la fois, dont des litanies sonores célèbrent les charmes et les pouvoirs, de telle sorte que, par la magie incantatoire du poème, sa présence s’élargit aux dimensions de l’univers.
Géante, elle est géographie, histoire, mythologie. En elle, se mêlent, vertigineux, l’espace te le temps, dans une sorte de syncrétisme païen et triomphal. Et si les références de Théo Crassas sont fréquemment méditerranéennes et orientales, elles empruntent à toutes les civilisations, à toutes les cultures. De ce tourbillon
vertigineux, jaillit l’image d’un âge d’or mythique qui est peut-être à la fois la nostalgie d’un paradis perdu
de splendeurs et d’innocence et le désir d’un renouveau dionysiaque.
Dans une époque troublée que hantent les ombres, et où ne s’imposent que trop souvent des thèmes d’angoisse et de désespoir, il est bon et tonique qu’un poète, porté par la ferveur et le lyrisme, nous offre, pour le partage, cette ardente célébration de la vie. Il devient alors, par la grâce du poème, augure et messager.
Comme l’écrit Théo Crassas dans le final de
Trompettes angéliques:
Ma soeur, je t’en conjure,
n’aie que du mépris
pour ma vie erratique!
Place plutôt
ma gloire et ma vérité
dans mes écrits,
ces fulgurantes lettres
de Total Amour
et qui te sont toutes
destinées!
«Fulgurantes lettres de Total Amour», oui, qui nous parviennent comme une offrande et un recours.