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Je suis fascinée par votre quête de la beauté que le lis comme une recherche de la densité, de la lumière solaire, lumière bifide où l'on sent sous la clarté poindre l'obscur tragique et révélateur.Il y a ainsi l'hirondelle, l'église, le Mal, le cyprès, la cité de bronze, l'olivier, l'ombrelle, les fruits tombés, la bruine de violettes, l'âtre -autant d'éléments jalonnant vos textes- qui donnent épaisseur, profondeur temporelle et spatiale, mouvement, ombre nécessaire au jaillissement des lumières et des désirs. La Beauté que vous convoquez est déesse vive, jaillie des flots- « Divinité de la Poétique » - si ardente qu'elle acquiert un pouvoir de transfiguration.
J'aime cette nuit que taraude l'élan festif. J'aime que les lieux s'entrecroisent aux corps: « Princesse galante / au corps de Gange clair / où se réjouissent les poissons de tes cuisses ». J'aime cette fluidité qui descend au monde comme fleuve charriant les mythes féconds. J'aime enfin que vous osiez ce lyrisme, un lyrisme brûlé à une maîtrise architecturale du poème et à l'interrogation du monde sous les labours, blé et champs plantés d'arbres fruités.
Une autre chose me frappe:le « martèlement rythmique» dont parle si justement Salah Stétié dans sa lettre- préface à FEMMES SOLEILS. Je peux me tromper mais je perçois ce martèlement comme un écho sonore au double tragique de la lumière méditerranéenne. Vous lisant, j'entends ce galop sourd et rythmique qui trace dans le vif de votre quête solaire la calligraphie noire de ce « qui n'en finit pas de mourir », tout autour de la cité mythique et intime, « brisée de la guerre intérieure ». Le verbe poétique ne cesse d'interpeller et d'ordonner ce qui se décompose sous les pieds d'airain du poète. L'œuvre de poésie, qui est aussi œuvre de chair, tente de redonner une spiritualité au monde, un sens entre le clair et l'obscur, le souffle et le silence, la joie et le mal. « Tes cheveux de femme dénudée / sont un corbeau / qui veille aux extrémités de l'azur »
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