Ode à Jean Sébastien Bach
À ta naissance
ta mère lionne
précipita de longs ruisseaux
de lait
des cimes sonores de son sein
dans l'azur magnifique
où tu brillais déjà
comme un Soleil éclatant
parmi de rares nues
blanches!
Quand tu devins toi-même
un énorme lion
aux irrésistibles armes fauves,
de grands fleuves de feu,
pareils aux galaxies
et conduits par ton coeur
beau, fier et généreux,
coulèrent mélodieusement
dans la mer d'harmonie
aux vagues séraphiques
d'améthystes
formant écume
de fleurs de magnolias!
De grands vents
soulevés par le temple
de ton esprit
emportèrent les drapeaux,
les bannières, les étendards
et les oriflammes
des arbres glorieux
de Germanie
au paradis des guerriers teutons
là où les îles bienheureuses
s'épandent sans frein
ni obstacle
dans le ciel
formé de choeurs d'anges
et de rossignols!
Des nymphes naquirent
de ta voûte crânienne
dans les étangs de volupté,
parmi les lotus et les ajoncs,
aux cheveux de topazes,
chantant comme des clavecins
d'Or
de leurs lèvres
incrustées de perles,
de leurs gorges de nacre
transcendée de rubis
et de leurs ventres
profonds comme des cavernes sous-marines,
recouverts d'une peau fine
ainsi qu'une gélatine!
Des Amazones
libres du joug
de la Terre
s'incarnèrent par ta pensée
foudroyante,
portant des épées damasquinées
sous des fourreaux transparents
d'astres
et montant des alezanes
aux queues flamboyantes,
aux encolures ornées
de calices d'orgues,
aux éperons de trompettes,
aux mors de violoncelles
et aux selles de flûtes!
Ayant livré en une seule
nuit
la bataille de l'Infini
elles répandirent leur sang
dans les champs d'anémones
près du Thermodon,
donnant le jour
à des tulipes géantes!
Les athlètes de l'Hellade
ressurgirent de ton front
musical
aux tempes concevant
la mesure,
franchissant les rivières,
les torrents,
les gorges des divines montagnes,
les ravins,
les échancrures de rivages
de leurs bonds harmonieux,
de leur coeur indéfectible
ainsi que des centaures
et des centauresses
fuyant devant Hercule!
C'est que l'isthme de ta grandeur
réunit en un seul
court instant
la chèvre vigoureuse de Pan
et le bélier sublime
de Moïse,
Artémis, la Vierge des païens
et Marie, la Vierge des chrétiens
le chant d'Ariane
et le cantique de la Sulamite!
C'est que le Seigneur
de tes oeuvres
mit dans ta force sauvage
bacchique
l'empreinte de l'Amour
christique!
Cependant, longtemps après ta mort,
ton âme parfaite
continue à hanter
les immenses palais
d'albâtre, d'ivoire
ou de marbre
que tu érigeas
de ta seule Voix
puissante et sereine!
PLAISIR D'ACANTHEL
EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. JUILLET 1999