Le Poète de Grenade


Les poètes de Grenade
ont des goûts simples et pacifiques
qui les portent vers la flânerie et la rêverie,
à travers la musique de l'eau,
dans les canaux de marbre de l'Alhambra
ou dans les vergers en terrasses du Generalife!


Assis sous une tonnelle,
ils absorbent, par leurs pores,
toute la joie de vivre de Grenade,
et, en échange, ils irradient
tous les soleils de ce monde!


De temps en temps, un petit ânon blanc
vient interrompre cette paradisiaque monotonie,
qui n'est ennuyeuse que pour les barbares
rudes n'aimant que les rythmes saccadés
et violents!


Souvent, ce sentiment
de se trouver dans quelque jardin d'Iran,
est renforcé par la vue délicieuse
d'une jeune andalouse plantureuse,
aux seins fermes comme des amours
et aux hanches grandes et juteuses
comme des melons d'eau,
le tout caché sous une jupe
rouge comme une fleur vive de grenadier!


Alors, on sent l'opulence
de la vega de Grenade
élire domicile dans votre coeur,
et le Très-Haut Lui-Même
vous bénir!


Et, on se souvient, à cette occasion,
du vieux dicton maure:
«Songer à Grenade!»
qui désigne l'état de l'amoureux,
toute sa nostalgie de la Bien-Aimée,
tout son culte de la noble sultane,
et toute sa religion de la belle femme!


Certes, il y a eu, dans le passé,
des poètes grenadins
qui, errant par les tues de leur ville natale,
ont eu la prémonition
de leur mort violente!


Mais, comme le souvenir
des guerres fratricides d'autrefois
s'estompe, de nouveau
des rossignols innombrables
chantent parmi les roses
de cette cité qui est le joyau
et le coeur même des Maures
et des Chrétiens!


Oui, le poète du Sud est
naïf et rêveur comme une jouvencelle
à sa quatorzième année,
mais, dans son âme, vaste comme l'Univers,
il y a de la place pour toute la mort
et pour toute la vie,
dans cette vallée des larmes
qu'est le globe terrestre!


JASMINS DE LA PLEINE LUNE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2004