À Bilqis
Mon coeur regarde ton coeur,
ô Bilqis,
ma petite reine concupiscente,
qui me montres
ta nature touffue
sous ton jupon,
assise sur le trône de Saba!
Et je suis le Salomon
qui pénètre,
tout humble,
dans le temple ton sein,
afin de supplier
le Seigneur
de lui montrer, enfin,
sa face miséricordieuse,
qui est ton visage
de pleine lune de Lahore,
aux rayons d'argent
de poisson rond!
Ma tendresse pour toi
est un baiser
donné dans le cou
d'un flamant rose,
ou une caresse
dans le dos d'une gazelle
qui bat de l'eau
au crépuscule,
lasse du soleil
et des chasseurs farouches
en voulant à son âme,
ou mon doigt
dans le ciel de tes hanches,
y cherchant
ton trésor caché
au fond de la grotte
de ce bas-monde,
sur la plage nocturne
du Maroc!
Car mon amour
de Toi
ressemble à la rosée
du rhododendron
de ton ventre
ou à la figue suave
de ton sexe!
Cependant,
une blanche hermine
d'Arménie
revêt ta mamme droite
où s'accumule
et se tend
toute notre volupté
et où notre désir,
de vil qu'il était,
devient sublime,
comme une copulation
d'alezans
dans la clairière
d'une forêts de hêtres!
Ô mon Alhambra,
ma forteresse de la foi,
mon rouge palais
où les rubis de ton âme
enseignent la piété
au mystique que je suis,
passé par l'épreuve
de la folie,
causée par ton refus
répété, insigne, tragique,
où se manifestait
le courroux de Dieu
pour mon sombre orgueil
diabolique,
et qui faisait de moi
un démon damné
de par le vaste enfer
dantesque,
ou un Eblis musulman,
cet ange plein de colère,
borgne de surcroît,
lascivement chaste
et hypocrite,
obscur et froid,
comme un charbon éteint!
Ô douce
à l'essence inentamée,
virginale,
emmène-moi
loin de ce mont
du purgatoire
où je me consume
dans l'athanor cosmique,
attendant,
de par l'intervention
de ta force agente,
la transmutation
du fer de mon existence
en ton cuivre vénusiaque
de taure persique,
et en l'or léonin
d'Italie!
D'aucuns, aux siècles futurs,
s'enfermeront dans leur chambre
pour me lire,
comme les anciens
ont longtemps lu
l'Almageste!
C'est qu'ils me sauront gré
d'être,
moi, le prince mendiant,
moi, le roi
dépouillé de ses vêtements
et tremblant de désespérance,
d'être sorti
des ténèbres du Sahara
et d'avoir réussi
à gagner l'océan
de ton Être!
AVIRONS D'IVRESSE
RECUEIL INEDIT