Le Chant De L'Exilé


Grâce aux bienfaits d'Allah,
je coule des nuits et des aurores
heureuses, à l'abri des intempéries
et des regards de la foule
des Infidèles,
en une vie délectable,
malgré les agissements
des habitants de cette ville mécréante,
qui ont l'âme noire,
toute calcinée du tourbillon des démons
cuisant en enfer,
dans les chaudrons de Satan,
et malgré leurs femmes
aux allures glaciales
et aux visages fermés,
et qui sont pleines d'un impersonnel ressentiment,
tantôt dirigé contre leurs mères,
tantôt contre les hommes,
tantôt contre la terre même
qui nourrit cette engeance
de mauvais fils d'Adam,
et de mauvaises filles d'Ève,
rivalisant entre eux
de vilenie, de cruauté,
et de mille vices!


C'est que, à chaque aube
du Seigneur des êtres,
aidé de la brise de terre,
je mets à la voile
sur la nef du rêve,
qui va aux pays merveilleux
du doux Islam,
les cales pleines
d'olives farcies de câpres
piquants et moelleux
comme le vagin des houris,
de pistaches grillées,
d'amandes torréfiées,
de larmes de mastic,
de pastèques fondantes
comme les croupes des amoureuses
et d'autres fruits,
délicieux à l'extrême!


Et, dès que je débarque
dans ces contrées,
polies par la lune et le soleil,
et ciselées par les rais
des constellations,
je vois venir à moi
des adolescentes envoyées par Allah,
et qui ont le coeur plein
de récits célestes
et dont les corps ont longtemps
macéré dans l'eau des roses
et dans la pâte de henné!


Et de me faire
les honneurs de la cité
sise sur la rivière de l'Eden,
en m'enlaçant de leurs prunelles
allongées au kohl bleu,
et en me rafraîchissant les paupières
de leurs regards bienveillants,
confiants dans la destinée

qui leur fait la grâce insigne
de la visite d'un hôte étranger!


Elles me conduisent,
certaines d'elles-mêmes
et sûres de moi,
aux jardins où,
à l'ombre des palmes
chargées de dattes
qui ont un goût de vulve,
elles me récitent avec passion,
s'accompagnant au luth
ou à la guitare,
des strophes enivrantes
et parfumées de tous les Orients,
et qui éblouiraient même les races
des contrées ténébreuses,
où il ne fait pas bon vivre,
car in n'y a ni harems voluptueux,
ni esclaves blanches,
aux joues fraîches
comme les plaisirs de l'esprit!


Et, au soir embaumé
des jasmins de leur chair
et des tulipes rouges de leur coeur,
elles m'invitent
à leurs pavillons de perles,
au sol incrusté de nacres
et aux murs parfumés à l'ambre,
où, sur des nattes de nues,
je les mets toutes nues,
et je pose un nombre incalculable
de petits baisers sur leurs corps dévêtus,
et les embrasse sur la bouche,
jusqu'à ce que ma respiration s'arrête,
tant leur haleine
sens l'encens, la myrrhe
et le musc!


Et, comme un frelon d'or
de humer les myrtes
de leurs pieds fins
et l'eau de fleurs
de leurs hanches riches
comme les joies de l'âme!


Dès mon retour à la ville infernale,
qu'Allah ne visite point,
je consigne par écrit
mes rêves les plus vrais
que tous les événements
qui pourraient arriver en ce pays,
où la journée est ponctuée
des seuls palabres interminables
des marchands d'illusions,
pleins de suffisance!


Ô Anges du jardin terrestre
aux formes de fillettes,
reposez-moi de vos caresses,
et rendez ma parole
moelleuse comme le beurre,
suave comme le miel,
et tendre comme Mohammed!


ISLAM

EDITIONS ENCRES VIVES. NOVEMBRE 2004