À La Belle D'Irak


Ô Belle d'Irak,
que le nom d'Allah
soit sur toi
et autour de toi!


Ô enchanteresse de Koufa,
ton voile de soie d'azur,
brodée d'or,
est le soir balsamique
de ma vie
et la nuit des gazelles
qui boivent avec délices
dans ma fontaine
l'eau qu'aucune amour grossière
n'a jamais troublée!


Déjà, dans les rêveries de mon adolescence,
je croyais entendre rire
les Syriennes et les Egyptiennes!


Mais, l'âge venant,
et, avec lui, la connaissance
et la sagesse,
j'ai, enfin, accédé à la beauté
des adolescentes d'Irak,
une beauté aussi virginale
que l'était le Tigre
du temps de Sumer,
et aussi profonde
que l'Euphrate de l'antique Mésopotamie!
Que ceux qui ont mis
à feu et à sang ton pays,
où la gloire se compte par millénaires,
sachent que le si tendre,
le si voluptueux
avec les doux et avec les sincères,
Allah, est un Dieu sans merci
pour les vils, les haineux
et les cruels,
et n'éprouve aucune amitié,
pour les sultans avides de richesses
qui règnent en Occident!


Ô vous vizirs,
ou simples soudards du Couchant,
vous n'emporterez dans vos tombeaux
que les plaintes des torturés
et les derniers mots des suppliciés,
mais vos remords, eux,
vous poursuivront tout le long
de votre vie de désolation,
de violence et d'épaisse ténèbre!


Ô amoureuse charmante d'Orient
qui t'indignes avec raison
de la superficialité des races d'Occident,
qui est le plus grave
des péchés reconnus par le Livre,
écoute pourtant
le chant innocent d'un poète
qui ne rêve que de se poser
sur l'eau de tes prunelles pélagiques,
comme un oiseau de mer ivre,
ou comme un ange fervent,
cherchant dans tes yeux
le sel de sa guérison,
l'épice de sa folie,
et la limpidité des rivières
de l'Eden!


Ô jeune fille bénie
par la lune du désert,
et dont la fraîcheur
égale, et passe même,
la fraîcheur des nuits d'Arabie
en été,
je désire répandre,
comme une traînée de poudre,
ou comme une pluie de topazes d'or,
ta renommée,
de Grenade à Malacca,
et jusqu'à Djacarte,
partout où Allah
pleura des larmes de mastic,
et partout où il poussa
des soupirs de jasmin,
de musc et d'ambre!


Ce que je frémis,
rien qu'en songeant
à ta hanche, plus heureuse
et plus lisse que le velours de Damas,
et plus tendre
que l'agnelle à sa naissance,
ainsi qu'à ton sein,
plus blanc
que le cardamome de Malabar,
et plus rouge à son bout
que la cannelle de Serendib!



Maschallah!
Tes mouvements de croupe sont
autant de fulgurations stellaires
dans le ciel pur des soirées
de fin de printemps!


Et tes coups de reins sont
des éclairs au clair de lune,
où je languis de toi,
des éclairs qui me font gémir
de passion!


Ya Allah!
Comme ta bouche
sent la brise parfumée de Mai,
et comme elle brille
au soleil joyeux de Mossoul,
comme la poudre d'or du Soudan
qui constituait le trésor évanoui
des Califes de Bagdad!


Inschallah!
En des temps plus sereins,
tu serais la princesse pastourelle
d'une contrée
plus douée pour la félicité
que l'Arcadie elle-même,
et plus paisible
que les prairies
les plus opulentes de Normandie!


Mais ton sort calamiteux
et ma destinée de solitude,
en ont voulu autrement,
et tu n'es plus
qu'une vagabonde pourchassée,
et je ne suis plus
qu'un homme livré à lui-même!


Laisse, cependant,
couler à flots sur ma peau
le soleil d'après-midi
de ta face dont seul Allah
connaît, et le baudelairien secret,
et la rimbaldienne transgression!


Et donne-moi à manger
du chanvre d'Ionie,
afin que, rassasié,
je puisse te chanter,
ainsi qu'un canari
dans la cage aromatique
de tes bras de fleuve d'argent,
couronnés de tes aisselles
de houris du paradis,
douce avec les fous,
sage avec les sages!


ISLAM

EDITIONS ENCRES VIVES. NOVEMBRE 2004