À La Fille des Îles


Ton derrière, fastueux et gros
comme la pleine lune du Ramadan,
fait sentir à mon palais
le goût de mille pastèques savoureuses
et fait germer dans mon esprit
cent palais de marbre,
aux kiosques d'albâtre transparent,
où des Orientales se font de l'air
avec des éventails de poils de daim,
vêtues de soie de Damas écarlate,
au-dessus de robes de satin,
plus blanches que les jasmins,
et parées de colliers
de soleils de diamants,
de pendeloques de cuivre rouge,
de bracelets de poignet
en argent vierge,
et de bracelets de cheville
en or massif,
incrusté de cornalines,
et de ceintures de rubis,
incrustées de citrines!


C'est que ta hanche
de gazelle de la nuit,
de séraphin de l'aube
et de chérubin de midi,
est le plus étonnant antidote
contre les morsures des vipères d'Europe,
si nombreuses sur ce continent,
où les hommes meurent seuls,
comme les vieux arbres,
et, où les femmes sont livrées
à des chiens sans race!


Et, c'est du balancement de tes fesses
que les roseaux et les bambous
apprennent à onduler
sous le zéphyr,
et les bannières des émirs
à claquer au vent marin,
et les étendards du Calife
à battre dans la brise de terre!


Tes yeux sont de lune d'été
en sa quatorzième nuit,
et ont des prunelles aussi vives
que les prunelles de saphir
des statuettes sumériennes,
et leur regard ardent
de bronze pénétré
d'eau bleue de Sirius
et cuit aux braises de Médine,
me remue jusqu'au tréfonds
de mon âme séduite
par tes comètes splendides de l'amour,
par tes fulgurants météores
de la beauté!


Et tu chantes comme un cygne d'Egypte,
dans les lacs ou les étangs
formés par le Nil,
et ton chant berce les caïmans
qui dorment dans la nuit des pâtres
jouant de la flûte traversière,
assis auprès de leurs troupeaux
de vaches et de taureaux,
sur les collines qui surplombent
le fleuve de la terre
cerclée de kohl,
comme les yeux
des concubines du sultan!


Et moi de pleurer,
sous les roses de lune,
du blanc de tes yeux,
ainsi qu'un eunuque du Pharaon,
qui sait que ses désirs
sont impossibles à réaliser!


Ô Vie de rêve,
arrête-toi un peu devant le poète ébloui,
brune comme une fille des îles,
afin qu'il te chante
comme un rocher
émietté de douleur!


ISLAM

EDITIONS ENCRES VIVES. NOVEMBRE 2004