À la Triomphante


Ô vous qui prîtes mon âme
et l'emportâtes dans le ciel immaculé
de votre hanche
où les anges me prodiguèrent
avec générosité
des soins maternels,
je me démets en vos mains
de l'empire sur mon coeur
dont vous fîtes un havre de paix
où ma pirogue vient mouiller
par les après-midi tranquilles d'été!


Oui, par votre grâce
mon coeur est devenu un port des Tropiques
où des vaisseaux de toutes les nations,
aux hautes voiles de toutes les couleurs
et de toutes les musiques,
se balancent sur leurs ancres,
bercés par les alizés!


Au milieu des caresses
parfumées de musc de gazelle,
parmi les baisers
frais comme des joues de jeune fille,
j'évoque, quoique idolâtre,
le souvenir de Marie-Madeleine
dont la dulcifiante présence
aux côtés du maître des coeurs
me console à jamais
des crimes commis
contre la religion des gentils
par les adeptes du culte de Jésus!


Mêlé à cette suave souvenance,
l'arôme de votre sein
m'enveloppe comme une Pâque d'ambre
et comme un Sabbat de myrrhe!


Et je lave vos pieds
de mes larmes de repentir
pour vous avoir,
avec une impardonnable légèreté,
offensée
par mes allusions lascives
aux endroits les plus chers de votre corps
où je pénètre comme un peintre d'icônes,
afin de contempler en vous
l'Auguste Déesse,
la Maîtresse de la Nature
et Mère des calices!


Ce sceptre de reine
et cette sphère armillaire d'impératrice
de Byzance
que vous tenez entre vos mains
faites pour la tendresse
augurent favorablement
de votre domination sur mon esprit
qui la recevra
comme le citoyens de Rome
reçurent après la guerre civile
l'empire d'Auguste,
comme un bienfait
accordé par la Déesse tutélaire de la cité,
Vénus la Victorieuse!


Tout entier,
de mes orteils à mes ongles
et de mes ongles à ma tête,
je suis un poète
enveloppé dans la bannière multicolore
qui est un gage
de votre victoire sur ma volonté,
ô mon cygne de rêve,
et un symbole de la vie vraie,
avec vous, ma souveraine,
recommencée!


Que les planètes reprennent leur course
autour des soleils,
que les rivières se mettent
à couler de nouveau,
que les glaces fondent
et que les vagues de la mer
se brisent avec une nouvelle majesté
sur les grèves,
puisque ensemble,
moi, votre rhapsode, et vous-même,
ô astre brillant,
nous avons refait le monde!


C'est qu'à chaque instant d'amour,
d'aise et de volupté
correspondent un respir de l'Univers
et un soupir de la Terre,
cette adolescente
née du sein d'Ouranos!


LE SANG DES ILES

RECUEIL INEDIT. AVRIL 2005