La Fille des Îles
Je reconnais mon sang,
le sang des îles,
à ton teint de blé
et à la liesse de tes flancs
qui roulent et se balancent
comme deux cygnes blancs
parmi les saules,
ou comme deux pastèques
dans la poussière de Sicile!
Rarement, chez une femme,
l'âme s'accorde si bien avec la mine,
tant que de la régularité
et de la finesse de tes traits,
je conclus à la noblesse
et à la richesse de ta psyché!
Oui, je voudrais résigner
le trésor de mon esprit
entre tes mains,
où aucune indélicatesse n'entre,
à condition toutefois
que de toi je reçoive
le serment que l'on demande toujours,
à savoir la promesse de l'éternité!
Bien sûr, je cours le péril
de sombrer dans tes cheveux châtains
et de périr dans ta croupe
large comme la Méditerranée!
Mais le poète dit
que vaincre sans péril,
c'est triompher sans gloire!
Oui, que je périsse
pourvu que je connaisse la gloire!
Or, la gloire consiste pour moi
à pénétrer dans ton port tunisien
où dorment les galéasses,
parmi les coraux et les étoiles de mer,
à quelques pas des minarets
d'où les muezzins aux voix concertées
appellent les fidèles
à la prière
de trois heures de l'après-midi!
Oui, par une après-midi d'apothéose,
je viendrai quémander
ton consentement à notre voyage commun
aussi loin que dans les Tropiques,
et plus loin encore,
dans le noyau de la terre,
dont le feu nous tiendra compagnie
en nous embrasant
comme la flamme des désirs!
Car nous nous désirerons
comme deux trouées d'azur
dans le ciel brouillé d'Avril!
Et nous nous posséderons
comme se possèdent les faucons de Tunisie
et comme s'aiment
les illustres lévriers d'Arabie,
les sloughis élégants et bienheureux!
LE SANG DES ILES
RECUEIL INEDIT. AVRIL 2005