À Une Marocaine


Dans la culasse de ton fusil d'amour,
il est une cartouche
chargée de la musique mauresque
de ton ventre fastueux,
digne des caresses du muezzin idolâtre
qui, chaque soir, à l'heure du couchant,
fait l'éloge de toi,
son unique despote,
sa seule maîtresse
dans ce monde, voie de plaisir et de douleur,
à l'image de ta vulve
où tu reçois dans la joie
le sperme de ton amant,
mais où tu mets au monde dans la souffrance
ton fils ou ta fille,
éternellement redevables à toi
de l'humaine, de la si humaine tendresse!


Et quand tu te revêts
de ton vertugadin espagnol,
tu te métamorphoses
en une chrysalide de Vélasquez,
en une de ces petites princesses
qui tiennent compagnie à l'Infante
et dansent la pavane
sur les dalles de marbre
de l'alcazar de Séville!

Cependant, quand tu te promènes
avec une minuscule ombrelle de joie claire
et des socques de satin sombre aux pieds,
dans la palmeraie féerique de Marrakech,
tu es l'incarnation des soupirs de ton pays
dont les chamelles ont la démarche
majestueusement sculpturale!


Sur la passerelle que tu traverses,
adamantine et pure,
et qui te conduit à l'océan,
tu es le soleil qui se lève
sur le port de Casablanca,
et tu es la lune d'été qui se couche
sur sa céleste litière
comme un pur-sang arabe
plongeant sa gueule d'or
dans l'auge impatiemment désirée!


Quand, au matin des dieux,
tu sors dans les rues de Rabat,
tu sembles une petite chienne blanche
de grande race
que je voudrais peloter sur son dos élastique
dont le pelage est velouté
comme un arbre aux îles Canaries!


Rassure-toi et réjouis-toi,
je ne suis point une nature sarcastique,
dissimulant sous ses railleries
sa haine pour ta race
et pour ta tenue
que je veux seulement exalter,
et porter même aux nues de Mauritanie
comme une panacée aux maux
et aux chagrins qui accablent
l'homme rare,
ce gai laboureur de l'esprit,
ce divin enjoué
dont les éclats de rire sont
les éclairs fugaces
qui passent dans un ciel de fin d'été marocain!


EDITS CRAMOISIS

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