À la Blanche Bien-Aimée


Ô ma Bien-Aimée,
blanche comme un abricotier en fleurs,
je te donnerai un blanc chevreau nouveau-né
et un tout jeune agneau,
gages d'intentions pures de ma part!


Et je t'offrirai des fleurs pourpres
de pommier de Perse
que tu serreras dans ton corsage
de mousseline d'Ionie,
cependant que de la main gauche
tu t'éventeras avec un éventail
de plumes de paon!


C'est que tes flancs sont
un monceau de roses
nées des larmes qu'Aphrodite répandit
sur la dépouille d'Adonis
et où tu te couches
comme le Cupidon de Platon
et d'où tu reviens
comme une femme éperdue
vers moi qui veille sur ton corps
comme le papillon
sur la lampe qui le consume!


Et ton sein est une moisson
dont l'épi de blé
le plus doré,
car le plus heureux,
est ton coeur
que le Temps inexorable
ne fauchera point
avant nos noces
qui seront célébrées
demain dans l'après-midi,
juste au moment
où Vesper apparaîtra à l'horizon
et où sonnera l'heure cruciale
des voluptés secrètes!


Peu après cette cérémonie
conforme aux bons usages,
j'entrerai en toi
comme Alexandre entra
dans l'empire de Darius,
à la tête de ses Macédoniens
ou comme il prit Tyr,
sans pour autant
répandre d'autre sang
que le sang de ta virginité!


Alors, mais alors seulement,
je sentirai tes bruns cheveux,
si fins que je crois toucher
un duvet de perroquet,
devenir miens
et tes membres
se confondre avec les miens
en une étreinte
à laquelle rien nous arrachera,
si ce n'est l'Etoile du Matin,
le Phosphore des Hellènes,
si contrariant pour les amants!


Et quand nous nous lèverons,
malgré nous,
du matelas de la joie,
obligés de nous séparer
pendant un court moment,
je prendrai deux hases
et deux colombes soeurs
et je les sacrifierai à Cythérée
afin de remercier cette grande Déesse
d'avoir été pour nous
l'ange des plaisirs
et la prophétesse
de cette mince part de luxure
qui nous a été échue
par Son intervention
favorable à nos voeux courtois!


Et la poétesse dit
que ceux et celles
qui ne prisent pas Aphrodite
plus que toute autre chose au monde,
ne savent pas
quelles fleurs sont les roses!


Oui, tu es pour moi
ce que l'or de Tartessos
est pour l'avare!


Seulement, je suis si généreux
que je prodigue ce mien trésor,
à moi confié par la Déesse,
au zéphyr d'été
et au vent du Sud,
aux vallons, aux montagnes,
aux rivières et aux étangs
nourriciers de papyrus!


LES FILLES DE LA MER

RECUEIL INEDIT. AVRIL 2005