Schéhérazade


Tu es une palme géante
dressée devant la Porte de Mansour,
à Meknès la Solaire,
celle- même qui recèle
la médina de ton sexe
pastel!


Un vent paradisiaque
danse sous ton ombre,
venant de tes seins subtils
aux pointes semblables
à la prière du Couchant,
et faisant tournoyer tes émeraudes
comme une poussière précieuse!


Des chevaux de pourpre
s'élancent dans l'azur
de gloire,
montés par des anges,
dont le principal est Gabriel,
et qui soufflent
dans des trompettes d'argent!


Et au centre,
sous un dais de rubis,
se tient le Roi du temps,
que tu enlaces
de tes mains
rouges de henné
et qui sèment le Désir
dans la chair
des hommes émerveillés
par leur fine sculpture!


Tout autour, des jeunes filles
établissent du son bouleversant
de leurs luths profonds
des ponts entre Ciel
et Terre,
au- dessus d'une mer
d'amandes amères,
cependant que de loin,
d'au- delà du Moghreb,
parviennent les chants
des guitares andalouses
comme des barques
couchées sur des violettes!


Entre le roi
et les joueuses de luth,
un jet d'eau
grave dans les airs
la courbe de tes hanches,
enhardi par le jardin nocturne
qui célèbre l'albâtre
de ta beauté
du parfum suave de ses blanches tubéreuses
et des voix des rossignols,
douces comme les étoiles!


Ô Schéhérazade,
tu es l'hymne d'Amour
du coeur meurtri,
le Phare d'Orient
dont le feu
miroite jusqu'aux confins
de l'Afrique
et se reflète
dans les eaux éblouissantes
des Sultanats fastueux
d'Occident!


Sous tous les climats
du Prophète,
de Golconde à Grenade,
tu imposes ton ardente
Principauté!


Car tu es la houri
de l'Éloquence,
la bouche d'Or
de la Musique,
ô maîtresse des hommes
et du Temps!


CALECHES D’ AZUR

EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. DECEMBRE 1999