La Gazelle Bédouine


De même que Abd-al-Malik Ibn Zouhr
le Sévillan
aimait une gazelle de Turquie,
moi j'aime une gazelle bédouine
à la démarche délicate d'antilope,
aux yeux profonds comme le Nil
quand il se jette dans la mer
et rehaussés d'antimoine,
de manière à faire apparaître
sa vérité de vierge de Sinaï!


Sa hanche est grande comme une palme,
beurrée comme une banane
et polie comme l'écorce de la grenade
et toute sa peau a la finesse
de la peau de ce fruit,
béni d'entre les merveilles
de la nature!


Cette gazelle est farouche et mystérieuse
ainsi qu'une prune de Chine,
mais elle renferme en elle,
à la façon d'une orange,
toute la fraîcheur enflammée
de la neige!


Ses seins sont des limons d'or
qui, nés d'une lune d'Ionie,
sont devenus des soleils de Syrie!

Sa chevelure est un chant d'amour,
brodé de turquoises, de topazes bleues,
de lapis-lazuli et de jais
et qui, couché sur un parchemin,
devient un poème érotique,
calligraphié par une prophétesse!


Et sa vulve est
une figue de figuier de Nubie,
aux couleurs chaudes
d'une jeune femme d'Ethiopie!


Cependant, inoubliable est l'instant
où j'ai frôlé sa croupe au souk,
ce fut comme si le soleil du Sahara
faisait couler dans mes veines
des torrents de feu!


Pourtant, mon amour pour elle
était désespéré dès le commencement,
aussi désespéré qu'une pomme jaune
ou qu'une feuille morte de platane
en Novembre!


Ô Fatima, Mère des Croyants,
protège cette gazelle
des atteintes du temps
et des ravages causés par les humains,
et prends pitié de ma désolation,
pareille à une amande amère
aux lèvres closes!



Comme un empire en essor,
je possède la langue
des astres les plus éloignés,
mais ne parviens pas
à me faire aimer
de celle qui est une flèche dans ma chair
et une féerie pour mon esprit
et un charme pour mon âme!


C'est que ceux qui ont réduit l'amour
à une image morcelée,
aux facettes multiples,
en conflit les unes avec les autres,
ont tué la pintade aux oeufs d'argent
qu'était la psyché de l'homme et de la femme!


L'ASTRE SOMBRE DE LA MELANCOLIE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2004