À l'Unique Bien-Aimée
De même que Fizouli al Baghdadi,
seigneur d'entre les seigneurs-poètes turcs,
n'aima qu'une fois,
moi, je n'ai d'autre Bien-Aimée
que toi pour qui je m'immolerais
mille fois comme une flamme de soufre,
et comme un feu d'or
sur l'autel à sept degrés
de la religion du Désir!
Comment ne te désirerais-je pas,
puisque tu as les bras
potelés comme des tulipes
et onctueux comme des bananes,
puisque tu as l'embonpoint
d'un gentil serpent tropical,
puisque la partie inférieure de ton ventre
est large ainsi qu'une vallée fertile
donnant accès à une vulve saillante
et bien en chair,
puisque tes fesses sont dures et fraîches
ainsi que des pastèques juteuses
à leur belle saison,
tant, que quand je te vois de derrière,
je me meurs?
Comment ne te désirerais-je pas,
puisque tu as toute la lascivité
d'une jeune fille du Hedjaz,
toute la pudicité d'une Yéménite, tout le verbe d'une Mecquoise,
tout le sel d'une Grecque,
toutes les épices d'une Berbère,
tout le henné d'une Marocaine,
toutes les roses d'une Persane,
tous les soleils d'une Syrienne,
toute la vigueur d'une Irakienne,
toute la volupté d'une Egyptienne,
toute l'aristocratie d'une Nubienne,
toute l'ivresse d'une Andalouse,
toute la liberté d'une Tunisoise?
Moi qu'on appelle le Grenadin
à cause de mon amour de la musique,
moi qui suis né avec un luth
entre les doigts,
comment ne serais-je pas séduit
par ton chant
qui s'élève dans les airs
comme le son des cloches de Santiago
ou comme le tambour frappé en cadence
lors d'une frénétique fête touarègue?
Comment mon désir de toi
ne serait-il pas fou,
puisque le mouvement de tes fesses,
que les musulmans appellent radjradj,
est paroxystique
et atteint des sommets
de sensualité bien-née,
inégalés depuis l'antiquité,
voire depuis l'âge des cavernes?
Comment ne t'aimerais-je pas,
puisqu'à travers le cristal
de ta croupe ronde comme le ciel
je sens ton âme
s'envolant dans l'atmosphère violette
vers l'espace stellaire
où elle règne
parmi les comètes d'ambre jaune
et les météores de rubis,
au milieu des astres
gros comme des émeraudes du Trésor impérial
du Grand Moghol
et des lunes rouges
des roses de l'Islam?
Comment ne mourrai-je pas d'amour
en regardant ton derrière,
puisque il est le jujubier
qui croît à droite du Trône d'Allah
et la rose née de la sueur
du Prophète?
Oui, tu es tout cela à la fois,
un paradigme d'entre les paradigmes coraniques,
le parangon de la vertu amoureuse
et la coupe même d'Omar Khayyam
et la dévotion des incroyants
et l'idole des païens
et la sirène d'outre-beauté
et le chant des rossignols éternels!
L'ASTRE SOMBRE DE LA MELANCOLIE
RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2004