Le Pacte de Sang


Ô Badra, toi qui tiens ton nom
de la Pleine Lune,
de cette lune tu as toute la paix,
toute la fidélité, toute la lumière
et toute la plénitude:
la paix du nard de tes ongles,
la fidélité de ton cou néfertitéen,
l'éclat du quartz de ta croupe
et la plénitude de ton sein,
où l'aube aux attaches roses
transparaît finement
à travers le rire de la nuit bienheureuse
de pleine lune!


Et, en tant qu'astre lunaire,
tu croîs comme tes cheveux,
mouvants ainsi que des dunes de sable
du Sahara!

Ton haleine rappelle,
et fait même renaître
le souffle qui, dans le passé,
émanait du panache blanc
du Grand Roi de France et de Navarre,
Henri le Quatrième,
elle en a cette qualité
de guerre dans la paix amoureuse
et d'extravagance dans un nid de tendresse,
car elle soulève sur son passage
les petites nuées d'été
dont les chemins sont semés
de narcisses et de violettes claires!
En fait, quand je te baise sur la bouche,
un doux zéphyr
aux ailes d'aiglonne
m'emporte vers Alger la Blanche,
et, au-delà, vers Fez l'Impériale
et Cordoue la Califale!


Mais, à la fin du baiser,
je retombe sur terre
comme un pollen de rue de la mer,
ou comme une brume automnale!


Ô Myriam céleste,
du fond de ton derrière
de perdrix de mon âme,
tu me regardes fulguramment,
comme une Déesse regarderait
son esclave, son adorateur
et son amant!


Excuse, ô vierge sinaïtique,
excuse mon érotisme cru,
mais comment rendre compte,
dans un langage de cour,
de la délicatesse de ta chair,
réunie à ton esprit,
en un bloc de rubis arrondi
et brûlé par la passion!


Oui, je brûle pour toi
comme Madjnoun des Beni Amr
pour Laila,
comme Djamil pour Azza,
comme Kouthaïr pour Boutaïna
et comme l'Andalou Ibn Zeytoun
pour Wallada la Poétesse!


Oui, je suis tous les poètes-amants,
passés, présents et à venir,
et toutes les amantes arabes,
maures ou persanes,
qui, comme toi, n'ont pas honte,
par misère spirituelle ou avarice,
de faire don de leur corps
à un homme illuminé intérieurement,
depuis que Khaula ben Hakim
s'est offerte au Prophète
en bonne musulmane,
sûre de faire un acte de piété!


Comme ta vulve est moelleuse ce soir,
où je la vois
à la clarté du miel des étoiles!


Comme elle est somptueuse et charnue
et fraîche, afin que je pénètre en elle,
comme un couteau parfumé d'oeillets
qui te traverserait le coeur
de part en part,
sans pour autant
que tu en meures
autrement que symboliquement,
car ainsi le veut le mystère d'amour
et le pacte de sang
qui en est l'accomplissement!


L'ASTRE SOMBRE DE LA MELANCOLIE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2004