L'Epousée de Samos


Ô jeunes adoratrices samiennes
de Héra, la Déesse du mariage,
oignez-moi d'essence d'iris,
baignez-moi dans la musique profonde
des flûtes traversières
qui sont semblables par le son
aux lotus de Libye,
versez-moi à boire
dans une coupe de Mytilène
du vin noir
tiré des meilleurs raisins de Chio,
donnez-moi à manger
une salade de violettes
et comme dessert
offrez-moi un gâteau de coquelicots
fait de vos mains d'or!


Puis, mariez-moi à une vierge d'ici!
Que sa mélancolie naturelle
soit lavée dans le ciel pur de l'Egée,
que ses cheveux soient
des fleurs de thym attique,
que ses cils et que ses yeux
portent sur eux de la marjolaine de Cos,
que ses aisselles et son aine
soient parfumées de menthe sauvage d'Arabie,
que ses seins sentent le musc de Chine,
que son ventre soit oint
de nard d'Asie mineure
et que sa vulve soit accablée
d'encens femelle!


Epilez-la avec art,
sans pour autant toucher à son pubis,
car il est le faîte du temple triangulaire
dont la base est le sexe,
et il serait sacrilège
de lui enlever son innocence
étonnée d'elle-même,
et sa beauté insigne
et sa splendeur de nuit étoilée
de Numidie,
où de grands astres luisent
comme en un été
éternellement recommencé!


Une fois que toutes ces préparations
seront terminées,
qu'on m'emmène la nymphagogue
qui nous conduira,
la vierge et moi,
au milieu des chants
des jeunes filles,
sur un char d'ivoire
jusqu'à notre demeure,
choisie parmi
les plus belles de Samos,
et dont le seuil jonché de roses
nous franchirons
l'un dans les bras de l'autre,
afin que l'Hyménée nous bénisse
et nous mette sous la protection
de la Déesse,
l'Epouse auguste de Zeus!


Car je n'en peux plus d'errer
tout seul,
comme un laboureur malheureux
dont la terre ne donne guère de fruits
ou comme un pauvre pasteur
au troupeau dévoré par les loups
et dont l'aspect farouche
et la barbe de plusieurs jours
font fuir les jouvencelles nubiles!


Oui, je souhaite de voir désormais,
à mon retour à la maison,
le foyer allumé par la femme adorée
et la fumée s'en élever
de la cheminée vers l'azur
pour une fois attendri!


Et j'aime à rêver
qu'après avoir partagé à nous deux
le pain et le sel,
nous nous dirigerons à chaque fois
vers la chambre
où se trouvera le lit sacré,
où la nuit précédente
ma Bien-Aimée aura effeuillé
des pétales de roses rouges!


Et sur ce matelas béni
par les anges,
nous rendrons au monde,
avec sa forme originelle,
sa première beauté!


Et que les pins en liesse
embaument de leurs suaves senteurs
l'Avril de nos noces!


LES FILLES DE LA MER

RECUEIL INEDIT. AVRIL 2005