L'Annonce Amoureuse


Je voudrais écrire,
aux aubes qui me restent à vivre,
des poèmes d'amour,
les poèmes qu'en Islam
on appelle des ghazals,
où il ne serait question
que de la sensualité
de deux corps s'unissant
sous la tente somptueuse d'un émir,
que de la volupté des amants
sous les palmes d'Irak,
que d'insouciance indienne,
que de félicité ceylanaise,
que d'art érotique balinais!


C'est que je prends un plaisir infini
et ressens une volupté démesurée
à évoquer les parties d'agrément
entre jeunes gens et jeunes filles,
ainsi qu'à disserter
sur les qualités mutuelles
des parties honteuses
des jouvenceaux et des jouvencelles,
car sur elles se pose
la bénédiction divine
et elles reçoivent souvent
la visite des chérubins et des séraphins
comme les nues du ciel
et les fleurs du printemps
qui sont des parures parentes
des parures de la jeunesse amoureuse!

Et je parle du vagin des jeunes femmes
innocemment et obligeamment,
et courtoisement même,
comme s'il s'agissait
des roses de Saadi,
du vin d'Omar Khayyâm
ou de la Bien-Aimée évanescente
de Hafiz le Chirazi!


Comme je préfère, en vérité,
ces choses de l'amour,
si belles, si bonnes,
si délicates et si délicieuses,
aux entités pesantes et graves et austères
de la science ignorante
et de la philosophie inintelligente!


En fait, est-il vérité plus importante,
est-il phénomène plus crucial
que l'union des âmes
d'un homme et d'une femme
en une Dyade qui devient Monade,
car elle s'absorbe dans l'unicité
de la Grande Déesse Mylitta
et dans l'unité de l'Être!


Que m'importent la Trinité chrétienne
ou le mystère de la Triade hindoue?
«Quand j'ai la lune avec moi,
que m'importent les étoiles?»
comme disent les Maghrébins!
La lune, c'est toi, ô ma Bien-Aimée,
et les étoiles, les feux d'artifice
des théologiens!

En fait, il est peu intéressant
de savoir si je partage
la croyance de la masse des musulmans
en un Allah mâle,
plutôt qu'en une Déesse
Femme, Mère et Auguste Prostituée,
à qui j'avoue rester fidèle
en le tréfonds de mon âme,
parce qu'elle est Immanente
à Notre Terre Céleste
et à Notre Ciel Terrestre,
et non pas abstraite!


Car même les monothéistes
les plus attachés à leur tradition
éprouvent le besoin
de passer dans leurs prières adressées
à la Divinité mâle
par l'intermédiaire d'une femme
comme Marie ou Fatma
qui intercède pour eux
auprès du Père!


Oui, les perles de la vulve
sont l'unique antidote à la mélancolie
et aux morsures du spleen des poètes!


Car, comment s'ennuyer
jusqu'à dépérir
en ce monde,
si l'on est sûr de la tendresse
d'une jeune amie aimante,
à moins que celle-ci ne soit
grossière, vulgaire,acariâtre
ou peu douée pour l'amour,
ce sentiment rare par son élévation,
et, dans ce cas, non seulement
elle n'est pas aimante,
mais elle est empoisonnante,
délétère, vénéneuse
comme un champignon ennemi de la vie?


Ô ma Bien-Aimée,
oeil de mon intellect,
sois le sirop de cerise sauvage
que j'offrirai à mon coeur
qui s'éveille à ton amour!


Et que ton sein si suave, si doux,
ainsi que tes deux aisselles
qui embaument la girofle,
composent l'épiclèse
que j'adresserai à la Déesse,
dès ce soir, par Elle béni!


L'ASTRE SOMBRE DE LA MELANCOLIE

RECUEIL INEDIT. NOVEMBRE 2004