De La Femme D'Orient
Dans mon amoureuse rêverie,
je fais la part belle aux filles d'Orient,
si menues, si élégantes,
si bien proportionnées,si musicales,
si lentes, si expressives,
parées de lourds pendentifs de cuivre
qui sonnent comme l'attirail d'une impératrice
assise sur le trône de Byzance
que soutiennent quatre lions d'or
et qu'auréolent des cages orangées de Perse
où chantent des chardonnerets
sous un dais figurant le ciel du paradis
où le sage est admis
après s'être fait peser l'âme
sur la barque fulgurante
qui le mène à l'autre monde!
J'aime à voir ces filles passer,
pareilles à la musique savante ottomane
pleine de fioritures,
et se balançant sur les fesses
avec l'art perfectionné de la danse du ventre!
Car je porte en moi,
tout le désert d'Arabie,
toutes les dunes de sable du Sahara,
où des femmes maures ou arabes
lancent des oeillades aux hommes,
parlant, de leur figure et de leur hanche,
le langage franc et direct
de la chair émue par le danger de la rencontre
et le péril de l'union,
et frémissant déjà
du mal de la transgression
qui conduit immanquablement
au souverain bien de la félicité sexuelle,
quand il existe une forte volonté sensuelle
aussi bien chez la femme
que chez l'homme!
Ce que j'apprécie chez les filles d'Orient,
c'est leur volonté de domination
qui leur fait assigner comme but de leur existence
la volupté,
voie royale vers l'éternité
dont la condition est l'enfantement
d'une race à la nuque puissante
et aux fémurs robustes!
Ce désir de produire des fruits,
commun aux arbres et aux femmes,
ne consiste pas uniquement
à faire pénétrer dans le corps
la semence mâle,
mais aussi à assurer à l'âme
la continuité et la perpétuité
du rêve amoureux
à travers les générations
qui se succèdent sur ces terres
repues de soleil!
Or, qu'est-ce que ce rêve?
C'est l'immortalité,
et c'est l'éternité!
Et la femme d'Occident
de demeurer stérile,
pareille, non pas à un diamant,
mais à une fleur précocement cueillie,
puis jetée à terre
où les ânes et les chiens
la piétinent!
LE COFFRET D'AMBRE
RECUEIL INEDIT