Néphélé


Je dirai ta tête renversée
dans un monceau de pétales
de rouges oeillets,
parmi les nuées d'anémones
et d'asphodèles,
au fond du ciel
accablé de volupté,
où tournoient mille soleils
escortés de planètes impudiques!


Et je chanterai ta beauté,
fille de la beauté d'Aphrodite,
quand elle est couchée sous Adonis
et qu'elle est comblée de plaisir,
avec ses yeux longs et bien fendus
et avec sa croupe
semblable à un énorme et double
rubis au soleil!


Je suis plus qu'un homme,
quand même il serait amoureux de toi!
Je suis le ciel immaculé
où tu te contemples,
toute ivre de toi-même,
pendant les longues journées de Juin!


Je suis l'onde pure
du ruisseau où tu penches ton visage
lavé de frais,
en écartant les joncs!


Je suis le miroir parfait,
en tout point fidèle,
où tu te regardes longuement,
attentivement, passionnément,
en te coiffant avec art,
en te fardant avec science!


De grâce, ne m'accable pas de sarcasmes
quand l'image que je te renvoie
n'est pas entièrement sereine!
Accuse-s-en plutôt les rêves vains
et les soucis superflus
qui ainsi que la brise d'été
rident momentanément
la mer étale de ta face!


Dirige ton oeil intérieur
vers mon corps,
tu y verras mirée
ta puberté de gloire,
tu y verras reflétés tes flancs
plus somptueux que les nues
dont tu tires ton nom,
ô Néphélé-Nue,
et qui sont plus merveilleuses
que la Terre
dont elles sont les vapeurs
extravagantes!


Et cependant, tu es la substance
d'où je tire ma subsistance
et l'essence qui fait de moi
un théoricien aux prunelles d'azur
plus qu'un praticien penché sur la plèbe!


Tu es la figueraie
sur les figues de laquelle,
et, surtout, sur l'une d'entre elles,
je veille jour et nuit
comme Priape,
le dieu de la fertilité des vergers,
fils d'Aphrodite et de Dionysos!


Tu es la melonnière
dont les fruits lourds me rassasient
en me nourrissant de leur chair embaumée,
fécondée par l'Hermès Phallophore!


Fais-moi toucher ta ceinture
chaude du souffle de ton sang du Sud
et parfumée par la nuit attique!


J'en suis sûr, elle me fera
bouillonner
comme un taureau noir
du désir de la pleine lune,
à savoir de la génisse divine
aux cornes d'ivoire!


Et je nouerai ta ceinture
autour de ma tête
et ainsi couronné d'elle
je danserai la danse du vertige,
la danse du bord du précipice,
qui s'avérera pourtant
être la feuillée luxuriante
où se couche
tout dieu qui désire!


LES FILLES DE LA MER

RECUEIL INEDIT. AVRIL 2005