À la Fille des Muses


Plus la croupe d'une jeune femme
est large,
bien en chair
et artistement fendue,
plus les chants des merles
et des bruns rossignols
s'élèvent témérairement
dans le ciel rose comme les flamants du Nil
aux belles îles,
toutes chargées de palmes, de fleurs
et de fruits!


Ô ma belle esclave,
ma rose alexandrine,
mon lierre delphique,
mon platane de Sparte,
mon serpolet embaumé de Sicile,
mon rameau de térébinthe d'Egine,
j'aime à caresser tes flancs
éclatants dans ma paume
comme le jour splendide
du retour en Ithaque,
et bons comme l'amour de la matrie!


Qu'elle est immense
la diaspora des adorateurs d'Aphrodite
à travers la vaste terre!


Et comme les temples
de cette grande Déesse
sont aujourd'hui vides
et ses autels tous en ruines
au pays même qu'Elle engendra
en l'arrachant aux flots de la mer!


Ne pleure pas, ô ma Bien-Aimée,
fille des Muses
et de ma cithare d'aède
Elle était fausse cette prophétie
qui annonçait la mort de Pan
à Julien, l'empereur révolté
contre les excès des zélateurs du Christ!


Or, Pan est vivant
et retournera un jour en Arcadie
où il est né
sous un des cieux
les plus purs au monde!


Et de nos jours encore,
le peuple de Chypre,
inconsciemment certes,
mais non moins substantiellement,
adore, sous l'apparence de Jésus,
Adonis, l'antique Seigneur des êtres,
et tient Cypris
pour une sainte d'entre les saintes,
pour Marie peut-être!


Ô toi qui à une époque lointaine
as dû être
Chypriote et Crétoise et Cycladéenne
et Mytilénienne et Rhodienne,
chante de ta voix suave,
chargée d'émotion,
accumulée pendant des siècles de servitude,
chante ces temps bénis
d'entre tous les temps,
où les îles de la mer
formaient un coeur bachique,
un thiase qui tournait en rond
autour de Délos
dont la religion était venue
de la Crète sainte!


Ô toi, mon amante et ma Déesse,
car je ne saurais distinguer
entre femme aimée
et Déesse adorée,
agrée cette ode
comme une offrande à ta chair
née parmi les blanches roses
et dont les joyaux principaux
sont bien tes yeux
de Crète et des Cyclades!


Car en eux, je chante à nouveau
la légende inépuisable
du Grand Retour
qui est à la fois
le retour à la terre natale
où se trouve notre berceau
et le retour à soi-même,
c'est-à-dire la connaissance de soi!


CES OISEAUX DU DESIR

RECUEIL INEDIT. AVRIL 2005