À la Divine Hindoue


Ô femme nonchalante des Indes,
ton âme est une écorce
nourrissante et savoureuse
de banian
et ton coeur est une datte succulente
qui me fait pénétrer au paradis
où chasse le bon roi Asoka
en compagnie des nymphes
des eaux courantes!


Et ta hanche est la mangue exquise
qui me rend conscient
de la douceur de vivre
comme un brahmane d'amour
sous les grands arbres
et m'aide à m'atteler
au char de la Déesse de la Beauté
que je tire
comme un lion de plaisir!


Ne t'offusque pas,
ô toi qui es belle et affriolante
comme le désir,
ne t'offusque pas
si un beau matin
je te fais présent d'une éléphante blanche
afin de te conquérir!


Au contraire, sois-en fière,
puisque tel a été le prix
de ton immortelle beauté!


Cependant, sois sûre
que si je vante tant
les splendeurs de ta croupe fleurie,
c'est que cette dernière évoque pour moi
l'antique havre de Morontobara,
ce fameux port des femmes
où la flotte d'Alexandre le Grand
mouilla lors de son périple célèbre
de l'océan indien!


Oui, comme ce port,
ta hanche est grande,
bien circulaire, profonde
et à l'abri des lames,
encore que, à l'image de Morontobara,
son accès soit difficile et mal aisé!


Mais, après avoir franchi
la barre de vagues,
je fais une entrée triomphale en elle
en suivant l'exemple
de l'illustre empereur macédonien
et de son amiral Néarque le Crétois!


Tel un sophiste hindou
appartenant à la caste des prêtres,
je ne suis point obligé
de travailler de mes mains,
mais je suis tenu
d'offrir des sacrifices
aux Divinités protectrices de ma contrée,
aussi appelée le Pays de la Loi
ou du Dharma!


En cette insigne qualité,
j'offre à la mer
des présents somptueux
et, tel un Doge de Venise,
même mon propre anneau
dans le chaton duquel
sont gravées des Caryatides dansantes!


Si je donne tant de moi-même
à l'Océan,
c'est afin de te rendre propice
à mes prières,
ô sublime, ô divine Bien-Aimée!


Considère, ô bellement aimée,
la fumée venant de mes sacrifices
comme la fumée s'élevant d'Ithaque
vers les cieux ioniens!


Puisse cette fumée
signifier pour toi,
à la fois ton port d'attache
et ton lit d'épousée!


LA FEMME-COCOTIER

RECUEIL INEDIT. JUILLET 2005