La Passante


Salut à toi, noble Circassienne
dont la hanche vomit le feu
en introduisant la dionysiaque,
l'ineffable joie du Silène
dans la vie des damnés
et des maudits
qu'assaillent les énormes vagues
des inlassables peines
et qu'asphyxient les tourbillonnantes
trombes des malheurs mugissants!


De même que la pierre exébène,
blanche et brillante comme ta peau,
sert à l'orfèvre
de polissoir pour l'or,
de même ta hanche,
aussi polie que cette pierre,
me sert à ciseler mes vers!


De plus, elle guérit mes sens
obscurs et las
d'insensé et de fatigué
et libère de la douleur
mon âme habituellement livrée
à la cachexie des marins
égarés dans de longs voyages
ou dévorés par les terribles naufrages
qui surviennent dans le détroit de Magellan,
mangeur de matelots!


Quel est donc cet éclat,
supérieur à l'éclat de l'or lui-même,
que tu possèdes,
ô princesse barbare
dont les flancs aguerris par la volupté
sont la panacée
à tous mes maux?


Car du miel attique
obtenu sans fumée
coule dans tes veines,
mêlé à ton lait de femme!


Cette suave, cette indicible mixture
est un onguent pour mes yeux
meurtris par les larmes
et soigne tous les ulcères de mon esprit
causés par la monotonie du désert
dans le sable duquel
je m'enlise jusqu'à la poitrine!


Quand tu te produits devant moi,
ô passante brune comme la sardoine
et nourrissante comme la chèvre chevelue,
c'est comme si tu m'apportais
de l'océan Atlantique
un orage d'espérance
et la manne même de la vérité
transparente comme le rubis!


Et comme la pierre
qu'on appelle héphaistite,
tu protèges mon cheminement
dans la solitude,
qui est l'apanage des mages,
des bêtes fauves
qui pourraient m'attaquer
si on laisser faire Atropos,
la plus horrible des Parques!


Ô toi qui depuis ta naissance
à ton insu m'apportes
des songes favorables
et des visions élyséennes
et paradisiaques,
agrée cette ode
et reçois-la comme une demande de pardon
de ma part,
pour avoir
longtemps, longtemps
négligé ta présence
qui est une pure nécessité pour moi
et tient dans mon coeur mystique
la même place
que l'Anankè chez les païens
et que la P arousie chez les chrétiens!


Et c'est vraiment
une invitation à chanter
que cet unique rayon de lumière
venant de toi
comme d'un volcan d'amour
dont la lave joyeuse
aurait submergé les basses vallées
de la haine et de l'envie
qu'aussi bien les Dieux
que les Déesses abhorrent!


SEMENCE DE CORAIL

RECUEIL INEDIT. JUILLET 2005