À la Pharaonne du Saint-Esprit


Ô ardente chevalière,
dans ta chevelure de nuit étoilée du Sud
et porteuse du pschent des Pharaonnes,
je crois lire l'âme
des poètes noirs
qui t'ont chantée en des temps d'innocence!


Car elle est la plus longue
chevelure de femme
dans toute l'Afrique,
cependant que ta main est menue
et ton pied petit
comme le pied d'une danseuse Gaditane!


Et je sais que jamais tu ne t'ennuies,
ô toi qui es la joie de mon coeur,
car tu consacres la plus large part
de ta vie
au rêve éveillé
et à la contemplation de l'eau du Nil
et du ciel égyptien et nubien
et soudanais!


Le temps qui te reste,
tu le destines au bain dans un étang smaragdin
et aux soins de ta coiffure
que te prodiguent tes belles servantes,
cependant que l'une d'entre elles
répand de l'eau de senteur,
afin que ta chambre de Reine
soit fraîche et parfumée!


Après, tu passes dans la Salle du Trône,
et là, tu t'assoies
sur ton Saint Siège
tendu de velours cramoisi
constellé de lys d'or
et dont les bras sont faits de rubis
et le dossier de topazes!


Et d'y reposer ta croupe,
chaude comme un métal à la fournaise
et étale comme une nappe
de fer fondu dans les forges de Phtah,
le dieu forgeron!


Sache que pour toutes ces raisons,
non seulement je t'adore,
mais je t'aime comme une Bien-Aimée
en chair et en os
et dont le sang chaud
nourrit mon propre coeur
qui ne bat plus
qu'au rythme de mes odes
dédiées à ta passion
pour la vie
et à ton désir pour mon corps
que, pour mon plus grand plaisir,
tu caresses comme une folle!


Ni les chants des sirènes
dans les palais de marbre,
ni le spectacle des danses
dansées par les esclaves syriennes,
ni la musique des flûtes phrygiennes
ne me procurent l'enchantement
que je ressens devant ton amour,
à la fois de Bacchante et de Vestale,
mais aussi de mère
à la peau noire,
dévouée, ainsi qu'une Madone bistrée,
à son enfant
qui, même quand il a atteint
l'âge adulte,
demeure le très cher fruit
de ses entrailles
dont elle a accouché dans la douleur
d'une gésine inoubliable!


C'est que tu es ma sirène
et mon esclave syrienne
et ma flûtiste phrygienne
et ma Vierge noire,
avec, en plus, quelque chose
d'indéfinissable,
que j'appellerai Souffle ou Pneuma,
autrement dit le Saint-Esprit
qui s'est posé sur la tête des apôtres
au lendemain de la Pentecôte
sous l'apparence d'une colombe
ou de Sainte Sophie,
la Sagesse des Hellènes
et la Shekhina des Juifs!


LA REINE DU BURUNDI

RECUEIL INEDIT. DU 26 FEVRIER AU 02 MARS 2007