Les Baisers


À Gilbert Gratiant,
le Poète qui chanta
les petites demoiselles Créoles
de la Martinique
ne vivant que de baisers!


Ô Vous, petites Martiniquaises,
les baisers sont la matrice
qui vous conçoit!


Car vous naissez
des baisers
que vos petits amants
vous donnent
sur le front,
coulisse sombre de l'Infini,
entre vos yeux,
ces jeux de l'Éden,
aux lobes de vos oreilles,
doux chocolats mignons,
sur votre nuque
de cygne apprivoisé,
sur votre cou
d'anguille souple et flexible,
dans votre gorge de cuivre,
dans vos aisselles,
savanes du Kénya,
ébenaies d'Amérique,
sur votre langue,
aurore antique
de la mer des Caraïbes,
fondant savoureux,
biscuit fourré
de vanille du Mexique,
praline d'Amour,
canne à sucre des îles,
entre vos dents
brillantes comme des Soleils,
blanches comme la chair
des bananes
que la maturité
n'a pas encore noircies,
dans le lit à baldaquin
de votre palais
qui n'a du goût
que pour les belles paroles
créoles
prononcées par la bouche
de vos galants,
et rehaussées
par votre salive gloutonne,
sur les pointes
de vos tétons
qui font votre bonheur
devant le miroir
de la fontaine qui chante
des romances inconnues,
de vos tétons
qui sont les volcans
de la montagne Pelée
de votre passion!


Que vous êtes heureuses,
ô petites Noires
de la Martinique,
et vous, mûlatresses,
les plus belles des femmes,
que vous êtes heureuses
de recevoir
des hommages mérités
dans votre grand lac d'Afrique
situé entre la chute de vos reins,
ô le vertige damnateur,
et la raie de votre croupe,
cette ruche à miel
ce repaire de lionnes,
ce nid chaud de colibri,
cette gousse d'Amour,
cette chambre de bohême
nègre,
cette antichambre
de la petite mort
des amoureux
et prélude à la divine
Joie!


Et que dire de votre ventre
dont l'ombilic condense
l'humeur voluptueuse
de votre race!
Car c'est là que se trouve
le cordon qui vous relie
à la Mère Afrique,
cette Mère de la femme
et de l'homme!


Quoique Blanc,
ce dont je me repens
en m'en excusant auprès de vous,
je ressens profondément
la vigueur de votre chair
et la couleur de votre âme
pareille à un Soleil Couchant
tropical
ou à une aube équatoriale!


Ô mes soeurs bien-aimées,
continuez à vivre ainsi,
partagées entre les baisers
de votre amant
et votre miroir
qui ne ment pas!


CHANTS DE PALISSANDRE

EDITIONS ASSOCIATIVES CLAPAS. JUILLET 2002