Le Rossignol Apprivoisé
Ô mon alexandrine Bien-Aimée,
viens chez moi à la saison
des dernières cerises et des premiers raisins!
Alors, j’aurai mis à rafraîchir
sur la terrasse de ma maison
de prince du crépuscule
les pêches jaunes les plus lourdes
de toute la Candie,
les pastèques les plus sucrées
de tout le Hedjaz
et les plus suaves melons
de tout l’été!
Et je te servirai sur une assiette
de faïence d’Iznik
des gâteaux de miel
et du café arabe
dans une tasse moins haute
que ton petit doigt!
Après, je te réciterai
ma dernière Kacida!
Et mon âme t’enlacera
comme le jasmin un rosier!
Et tu danseras comme une volute d’encens
de Marib
et tu chanteras comme Zohra,
la fille de notre sultan,
c’est-à-dire comme une fauvette
dans un bois d’or!
Dès cet instant,
je ne voudrai plus respirer
les glycines du printemps,
puisque tu m’auras fait respirer
tous les parfums des fleurs
et je ne voudrai plus écouter d’autre musique
que la musique de tes cheveux
où résonnent les étoiles!
Quand la nuit descendra,
tu te déshabilleras!
Et, bien que les servantes
auront éteint tous les flambeaux,
la clarté de ta croupe
enduite d’huiles essentielles
m’éblouira ainsi qu’une lampe d’or
ou que la pulpe d’une pêche blanche
à midi!
D’une main tremblante,
je caresserai ta poitrine!
Dès ce moment,
je ne voudrai plus d’autre nourriture
que les roses de tes seins
et d’autre breuvage
que ta sueur embaumée,
plus limpide que l’eau de neige!
Et les sonorités du jet d’eau
de mon patio
se marieront aux sons de tes prunelles
qui me regarderont dans le silence de la nuit
ainsi que des yeux de rossignol apprivoisé!
À l’aube, tu surgiras
d’entre mes bras
comme un Rêve
né d’une haute peupleraie de Samarcande!
TAMBOURS DE BRONZE
RECUEIL INEDIT.DU 8 AU 14 AVRIL 2007