Le Canari de Lune


Quand même je me trouverais
dans la brumeuse Thulé
ou dans l'ardente Libye,
devenue une fournaise,
ou dans les noires forêts de l'Erymanthe
ou dans le Cragos verdoyant
ou dans les glaces de l'Algide
ou en pleine Kabylie,
nourricière de lions,
et quand même je ferais naufrage
dans les Syrtes aux fonds mouvants
et aux eaux bouillonnantes
ou que je deviendrais un loup
dans le Caucase inhospitalier,
toujours je brûlerais pour toi,
ô Glycère,
douce de par ton nom
et par la suavité de miel et de lait
de ta hanche,
si bonne pour les yeux,
si agréable aux sens
et pacifiante à souhait!


Ô Bien-Aimée, ton nom semble gravé
sur l'amulette que je porte au cou
et provient de l'or
charrié par le Pactole
et des pierres précieuses
que roulent dans leurs flots
l'Hydaspe
et le Gange lui-même!


De par les odes
que j'adresse à Aphrodite,
de par les prières
où j'invoque Artémis d'Ephèse
aux dix mamelles,
ton nom m'est aussi doux
que les noms de Calliope et d'Euterpe
qui sont des filles de Zeus et de Mnémosyne,
des Muses qui nous appellent
et nous invitent au plus long voyage,
le voyage de l'amour
sur lequel veille Melpomène la Tragique,
car les chants d'amour
sont plus des mélopées de deuil
que des chansons de joie!


Ô ma toute ronde jouvencelle,
je serai pour toi Idoménée le Crétois
qui se battra sous les murs de Troie,
afin que tu sois,
non pas captive d'un prince d'Orient,
mais une femme libre
comme le vent du Sud,
embrasée comme l'été,
et chantante comme un canari de lune!


C?UR DE BACCHUS

RECUEIL INEDIT. AOUT 2005