La Révolution des Roses
Tu es celle devant qui
le soleil se prosterne
et à qui la lune offre son adoration!
Car tu appartiens à une des harems fameux
du Khaltan
dont font partie les plus belles femmes!
Dans cette roseraie embaumée
de toutes les beautés
de ce monde de vanité,
tu es le gai cerisier
qui tire orgueil de ses rameaux
chargés de fraîches cerises!
Et de ta taille svelte et souple,
tu domines le jardin
du gynécée impérial,
Impératrice toi-même
et de grande lignée
remontant aux princes achéménides
qui, en leur temps,
étaient plus fastueux
que le ciel étoilé de la nuit d’été
ou que le plateau d’ivoire et d’ébène
de l’échiquier où Dieux et Déesses,
héros et héroïnes
jouent leurs destinées!
De cette vallée où tu t’es égarée,
élance-toi sur ta blanche pouliche,
petite comme un poney,
douce comme le parfum
qui monte à l’aube
des vergers de Chiraz
et plus rapide que la pensée d’un conquérant,
oui, élance-toi sur ta pouliche de nacre
vers Ctésiphon, Suse ou Ecbatane
ou vers n’importe quel autre endroit
où tu supposes que le Roys des Roys s’y trouve
et t’y espère!
Car tu es digne d’un Shah d’Iran
et ton rang n’est pas le rang
d’une simple concubine,
mais d’une Shahbanou
dont la constellation des Pléiades
sera la couronne,
au-dessus de voile bleu de nuit,
constellé de lunes de soie!
Sous ce voile tissé par une ouvrière
plus habile qu’une araignée,
ta face semble un bassin
rempli de vif-argent
qui brille aussi fort
que la lune!
Or, non seulement tu n’envies pas la lune,
mais c’est la lune qui te jalouse
parce que tu attires sur ta personne
tous les hommages des ménestrels,
des poètes, des peintres, des architectes
et des soufis
et tu dérobes à la lune
les regards muscat du Shah
passionné de tes yeux sombres!
Oui, j’avoue, tu es plus belle
que cette Chirin,
la toute-belle Reine d’Arménie,
chantée par Nizami
et pour qui un amant déçu
se jeta des remparts de sa cité!
Ô toi dont les prunelles respirent l’amour
et sentent le sacrifice,
agrée ce cantique
destiné à t’établir sur le trône
de la beauté du monde
que tu renouvelles
et que tu enflammes
de ta pensée d’orfraie!
Ô Rose mystique,
accepte cette ode
à la révolution des roses,
ta Révolution!
ROSE ET SUCRE
RECUEIL INEDIT.DU 15 AU 19 AVRIL 2007