À une Fille de Fée


Ô Périzad,
fille de fée,
mes lèvres assoiffées de topazes
ont maintes fois baisé ton image
où tu apparais plus suave
qu’un grain de raisin d’Iran,
plus tendre qu’une rose d’Ispahan
et plus belle qu’une paonne azurée
qui aurait dérobé le cœur
d’un paon de Chiraz!


Or, je n’ai jamais étreint
d’autre femme que mon miroir
et je n’ai jamais baisé sur la bouche
d’autre jouvencelle
que la jouvencelle de mon rêve
où ma poitrine s’unit à l’Ether!


Tant ton image me fait gémir
de désir non comblé
que je voudrais crier ton nom
si doux
sur les collines qui dominent ta demeure
et sur les coteaux de vigne
d’où l’on tire le vin de ta bouche,
ce nectar de rose rouge,
mêlé à l’essence de tulipe!


Oui, je baise ce portrait
qui t’attribue une taille plus fine
qu’une bague dont le chaton
serait un soleil de Juin,
et des cheveux semblables
à une nuit de musc,
où la lune serait
ton œil de rossignolette
traversant de part en part ta chevelure
de son regard embaumé
de glycine d’Avril!


Ô toi qui chantes jour et nuit
avec une étonnante fidélité,
l’amour de la vie
qu’aucune autre amour
ne passe en valeur,
écoute cette mienne promesse:
je te donnerai pour tes chansons ensorceleuses
plus qu’un empire
avec ses greniers à blé
et ses industries
et plus qu’un horizon d’Orient,
je te donnerai mon amour!


Certes, il est des beautés
qui demandent des bijoux
en échange de leurs baisers:
tu n’es pas de celles-là!


Or, mon amour est un rubis sans gangue
que tu peux ramasser sans effort
et une rose sans épines
que tu peux facilement emporter
dans ton bec d’oiseau de paradis
et une perle que tu peux sans peine
retirer de son huître!


Sur mon coursier
noir comme la nuit,
j’accomplirai une anabase
vers l’intérieur des Pléiades
où je ferai mes préparatifs
en vue de t’accueillir dans mon sérail
dont les piliers sont de diamants d’Afrique,
les voûtes, de perles indiennes,
les planchers, d’albâtre d’Egypte,
et dont les murs portent des représentations
de tourterelles turques
jouant avec des princesses azéries
qui boivent de l’eau d’immortalité
dans de vastes coupes de cristal de roche!


En attendant cette montée céleste
sur mon destrier ferré d’or
et ailé de plumes de faisan,
je tombe à terre
à l’endroit même
où tu passes
et je baise la poussière
que tes divins pieds ont foulée,
tout en pleurant à même le sol!


Et il m’arrive aussi
de poser des baisers passionnés
sur le seuil de ta porte
et de répandre mes larmes
sur le bois de ton huis!


Car, il n’est pas bon
de vivre un printemps sans amour!


Or, sache qu’écrire cet hymne d’amour,
c’est pour moi
rendre le soleil au ciel,
la lune à la nuit d’été,
les charmeuses au harem royal,
les houris au Paradis,
les pêches jaunes au verger parfumé
et la lumière à mes yeux de savant
à peine sorti de la forêt de la connaissance,
en attendant de devenir léger
comme une adolescente turque,
alerte comme un parfumeur du Khotan,
élégant comme un jeune sultan
et ardent comme un Zarathoustra!


Tu es le narcisse
auquel j’aspire de toute mon âme
et la Rose de mes pensées
les plus hautes!


Tes prunelles châtaines sont
la pierre de touche
et la substance même
de mon désir de toi
qui réunis les deux natures,
la transcendante et l’immanente!


ROSE ET SUCRE

RECUEIL INEDIT.DU 15 AU 19 AVRIL 2007