Ode à Pulchérie
Ô ma tsarine de toutes les Russies,
mon impératrice de Rome,
ma Pulchérie de Byzance,
ma souveraine de Trébizonde,
ma princesse d'Aquitaine,
ma comtesse de Toulouse,
ma reine ou «basilina» d'Athènes,
ma dogaresse de Venise,
mon hiérodule de Paphos,
ma concubine de Corinthe,
mon hôtesse de Syracuse,
mon vin d'Alexandrie!
Oui, tu es fastueuse
comme un festin sicilien
aux couronnes de myrte et aux flambeaux
et précieuse ainsi qu'une pourpre laconienne
et ta hanche est dure
comme les chênes prophétiques
et flexible comme un blanc peuplier
et épanouie comme un framboisier en fleur
de Messénie
et fraîche comme la musique de Palestrina
et nerveuse comme le Bosphore
et emportée et passionnelle
comme l'Adriatique!
Je t'aime et t'adore
à l'égal de la voûte céleste,
car ainsi que la cithare d'Apollon
ou que la lyre d'Amphion,
tu fais mouvoir
jusqu'aux pierres elles-mêmes
et tu désarmes jusqu'au chien des Enfers
lui-même,
ce Cerbère tricéphale
qui lèche pacifiquement et amoureusement
tes jambes et tes pieds
et frotte familièrement et voluptueusement
sa queue contre ton genou!
Que ce cantique d'amour
s'élève comme une ode sur la mer,
comme un navire qui appareille
et fait voile vers la haute mer,
ne craignant guère les tempêtes,
et espérant un vent favorable
qui soufflerait de ta bouche empourprée,
berceau de ta parole de femme
mieux aimée que toutes les vignes
de la plaine d'Argolide
et que tout l'or
des pampres de Smyrne!
Ô fille plus ardente que la canicule,
je bois tes yeux
comme un orage d'été,
et, comme un grain
de blond raisin de Corinthe,
tu fonds en moi
et dans mon coeur pyrphore,
pareil aux forges de l'Etna!
Ô ma perle
plus grosse que le plus gros
grêlon printanier,
accepte ce poème,
ô toi qui es docte en riches accords
et savante à la cithare,
oui, agrée ce poème
comme un hommage à la Création
dont tu es un or
plus précieux que l'or d'Attale
et la plus éblouissante émeraude
née du Gange!
Oui, tu es précieuse comme Marie,
la Déesse des chrétiens,
elle-même plus précieuse
que tous les séraphins
et plus glorieuse que tous les chérubins!
Comme un soleil
après le déluge,
tu luis par le monde
et tu brilles dans le firmament
comme la paix après la guerre!
Et tu es plus angélique
que la nouvelle lune d'Août
et plus sainte que la fontaine de Castalie!
C?UR DE BACCHUS
RECUEIL INEDIT. AOUT 2005