Poème d’Amour


Ainsi que la mer
descend
du temple de Neptune
vers les abîmes sous-marins,
ainsi que l’Afrique
se précipite
du Rif marocain
vers les soleils austraux,
tes cheveux
voyagent
vers ton corps
brûlant,
comme l’aloès parfumé
sur l’autel des cithares,
vers ton corps
semblable
au sable blanc
de l’océan indien,
au ciel de Mars
fleuri
de nuées de vie,
aux champs du Bengale
semés
de chants de coucous,
aux rizières de Birmanie,
nourricières de l’esprit
au lacis arachnéen
de l’ombre voluptueuse
sultane,
à la conque
de miel rosat,
au gîte de cristal
du nard,
à la parole parfaite
de sang,
d’universelle portée,
au pampre lubrique
ruisselant
de maturité,
à la pagode onduleuse
gisant
sous des murailles mouvantes
d’éléphanteaux candides,
à l’idole lunaire
d’astartéenne fertilité,
à la coupe d’eau
éblouissante
de l’Aréthuse,
à la matière même
de la puissance séraphique,
au chatoiement sauvage
des astres de la volonté,
à la forge orphique
des désirs,
à l’ostensoir de la chair
panique,
à la larme sororale
de l’iguanesse,
au morne de l’amour,
au triomphe
du colibri de la passion,
au canon fauve
et austère
de l’ivresse léopardesque,
au fleuve souverain
de jais,
au mouvement de balance
de l’âme
et au cygne
éternel
des Sens!


Ta tête
est une tour de Grenade,
dominant
des plaines ensoleillées
d’oliviers heureux!


De ton front étroit
sourdent
des bocages d’ébène
fourmillant
des pensées farouches et rebelles
de ton fanatique pays
de braise!


Les grandes prunelles
d’onyx
de tes yeux d’Antigone,
sont des cathédrales
opposant
leurs masses intransigeantes
de roc
aux atteintes du Temps,
aux outrages des hommes!


Ta bouche
est lumineuse
et ardente
comme le vin de Madère!


Par ton être
énigmatique et taciturne
aux mille sensuelles
Ellipses,
tu ouvres
des Malabars
du Soleil,
des ponts de joie,
des arcades brillantes
de printemps,
des palais obscurs
de miroirs,
des champs de colonnes
minoennes,
des vertes Galices,
des voies lactées
de Compostelles,
des Péloponnèses de marbre,
des Egyptes chanteuses
de pierre,
des Asies imposantes
d’agate,
des Amériques hégémoniques
de jaguars-rois!


Tu es la voix érotique
de Dieu,
que des prédicateurs
de la Mort,
guidés par des anges
déchus,
ont obscurci à dessein!


Car tout
est Amour,
Bal des atomes,
Fête rouge
de la Terre,
Fête du feu
des étoiles!


Car tout
est combinaison luxurieuse
de corps célestes,
puissance de pactole,
volonté terrestre!


E la Matière
est l’alliée
de l’Esprit
à jamais!


L'AURORE DES DIEUX

RECUEIL INEDIT. DU 30 JANVIER AU 16 AOUT 1996