Sérénade Molle de Grenade


Les collines de tes cheveux
piqués de rêves jaunes,
caressés de douces pinèdes,
couronnés de rubans blancs
de nuages
emportés par les chants
de la Terre-Mère,
ruissellent
vers la mer calme, bleue
et infinie
de ton corps
où l’âme se confond
avec la brume légère
de tes miroirs,
se perd
dans l’écume de tes eaux,
se meut
parmi les filets
de pêche malaguène,
se répand
dans l’haleine des dieux
de l’Olympe,
se laisse bercer
comme une île de l’archipel
par les saphirs
des amphithéâtres marins,
se cache dans tes palais
transparents,
se mêle à la rumeur
des navires
sous le soleil d’or
de ton cœur,
sous l’avrilienne beauté
de ta tête d’amour,
à la face
de Fleur de cerisier!


Tes pieds sont
des escaliers
d’œillets blancs,
des clochers de papyrus,
et des minarets de lys!
Tes cuisses sont
des colonnes roses et sonores
de jaillissement de Juin,
soutenant le portique
de mûre puissance
de ton bassin,
fontaine de braise
de la Volupté,
dont la large hanche
est un tournant
de continent natal,
vaste autant qu’aimé,
et s’épand
comme une courbe d’azur,
par-dessus les montagnes
divines!


Ton ventre est
une Victoire
de vallée solaire,
un pont de perles
enjambant
la féconde Andalousie
musulmane
et l’Alhambra entr’ouverte
à midi,
par où pénètre
l’Esprit!


Ton sein de rubis
est une riche vigneraie
-ô la bachique trésor-,
une danse flamenca
de marguerites en feu
et une grande réjouissance
d’oliveraie
marchant
sur les plaines céréalières!


Tes épaules sont
des arabesques aux fins
arceaux
regardant la Sierra Nevada,
des balustrades napolitaines
donnant sur le
Pausilippe,
et des terrasses d’orfraies!


Ta bouche
est une ruche
de mouches-à-miel
industrieuses,
une source vermeille
aux guitares intarissables,
un souffle
de brise d’étoiles,
un orage de lauriers-roses
et un vent brûlant
d’Afrique,
ouvrant l’horizon
par le Sud assassin!


Tes yeux
sont des éclats
de noires cerises
et la transparence même
des voiles
des univers sans nombre,
se succédant les uns
aux autres!


Ton front
est un ciel ébloui
de platanes illuminés!


Le sommet de ta tête
est un faîte
de temple artémisien
patiné
par les apothéoses
solsticielles!


Les chemins du Temps,
de romaine perfection,
parcourent tes vertèbres
de haut en bas!


Et le soir venu,
vêtue de ta robe-étoile,
tu entres dans la ronde
des sphères bienheureuses!


Ô Ardente,
ô Légère,
Ô Lune des Lunes
enchanteresses,
accepte
d’unir mon hommage
à ta Nuit immortelle!


L'AURORE DES DIEUX

RECUEIL INEDIT. DU 30 JANVIER AU 16 AOUT 1996