La Ville Rédemptrice


De la ruche du ciel,
le miel coule
sur les îlots oniriques
des platanes merveilleux
de la pensée
renfermant dans leur lacis
la cité du souvenir
que traversent
des calèches d’or
tirées par les juments,
couvertes d’émeraudes
et écumantes de plaisir,
de la Rumeur marine
ou par les blanches nuées
qu’attelle
la nymphe aux cheveux
de saphirs,
au visage de vent d’étoiles,
à la bouche
de romance nouveau-née,
au cou de blé mûr,
au corps harmonieux
de brise estivale
et au cœur de vigne
épanouie
où seuls pénètrent les dieux
par le mystère de l’Eros
aux mille flèches
fleuries!


Des pins démiurges
pétrissent,
dans la ville de la mémoire,
la Méditerranée
de leurs désirs bleus!
Des cyprès fringants
y chevauchent
des fontaines maures
et le Soleil
se répand
à flots généreux
sur les temples
dédiés aux jours humains!


Dans les rues ombreuses
de la ville
se profilent,
entrelacés,
crépuscule du matin
et crépuscule du soir!
Chaque maison
est bercée
de deux grands palmiers
seigneuriaux!


Dans les citernes
de la ville
s’accumule
l’Aube future!
Dans ses magasins
dorment les pastèques,
fruits de l’Amour
du soleil
pour la Déesse de la fécondité!


De la netteté de diamant
de ses jardins
sourdent
des éblouissantes bannières
turques
frappées du Croissant
le plus fertile
que la Terre
ait jamais eu la grâce
de voir
et de maternellement aimer!
Des rossignols
y prient,
ces prêtres de l’Inouï!


Aux vallons
qui la portent,
des millions de grenades
rougissent l’horizon!
Et dans la plaine
qui l’entoure
de ses soins,
des oliviers,
ces ludiques enfants
de Minerve,
se livrent à des jeux
de batailles divines
avec la Glèbe opulente
qu’ils sacrent
Plasticienne de l’Être!


Ses terrasses bénies
boivent avec avidité
le vent délicieux
soufflant des perles de l’océan!


Au Sud,
dans le port le plus proche,
des navires-oiseaux
tournoient
parmi les miroirs
où, multipliées à l’infini,
se reflètent
les vagues culminantes
du paradis!


Les Tours vermeilles
inscrivent
le sang de leur destin
dans les papyrus
de l’air!
Au loin,
les montagnes africaines
remplissent leur fonction
de primitive Ardeur
antérieure
à la Vie!


La Porte du Soleil
de sa masse fière
de douceur amère
invite à la vitale
passion
de la quête du sens,
muse du monde,
volupté de l’homme
et fin de la création!


Et la nuit,
infestée de pierreries,
de serments
et de parfums
et parcourue
dans sa calme
Immensité
par la Lune,
tombe sur la Ville
Immémoriale,
Immobile
en sa pure beauté!


L'AURORE DES DIEUX

RECUEIL INEDIT. DU 30 JANVIER AU 16 AOUT 1996