Aigles


Les aigles gagnent les airs
comme les enfants marchent
dans les cotonneraies
de la mollesse,
comme les déesses-bergères
chantent dans leurs flûtes bleues,
comme les balcons de marbre
bénissent la mer
semblables à des seins éminents
baignés d’émeraudes,
comme les flammes
investissent les navires volants,
comme les temples doriens de Sicile,
orientés vers les éthers,
dominent la mer tyrrhénienne,
comme les légions romaines
défendent l’Italie
devant Capoue
contre Hannibal
montant vers Rome,
comme les Almohades
entrent à Cordoue,
comme les seigneuries
de faucons splendides
s’élèvent des montagnes maures,
comme les alouettes
sondent l’azur,
comme les soleils croisent
dans les hauteurs zénithales,
comme les colombes
assistent à la naissance
d’Aphrodite,
comme les chevaux fringants
s’élancent dans les allées
d’arbres fruitiers,
écumant de volupté,
comme les croupes blanches
des jeunes juments
s’épandent dans le soleil,
quand elles passent,
fières et belles
sur les grandes routes verticales,
comme les cigales bienheureuses
émettent la lumière
de midi
et respirent et croissent,
protégées par la lumière d’Août,
comme le corps des lézards
nage dans le bonheur
d’un après-midi d’été,
comme les nymphes
aux cuisses semblables
à des miroirs agrandissants
prennent leur essor de beauté,
comme les vapeurs
aux ailes claires
se perdent dans l’horizon
impalpable,
parmi les voix élyséennes
des néréides,
comme les lacs
d’Afrique centrale
caressent les yeux
des hommes,
comme les immenses chevelures
des monts
flottent au-dessus des océans,
comme les chênes voyagent
dans la justice des espaces,
comme les pins partent
par vagues successives,
à l’assaut du vent des cimes,
comme les platanes forment
des chaudes cathédrales
d’amour parfait,,
divin et humain
indifféremment,
comme les cyprès s’élèvent
par des voies transcendantes
de musique
jusqu’à la gloire infinie,
comme les eucalyptus accueillent
dans leurs baies dépensières
de bleu céleste,
comme les palmiers touchent
le firmament
de leurs salutations bienvenues,
comme les oliviers se plient
pour mieux affirmer
leur ombre précieuse,
comme les vignes établissent
leur haut empire
aux portes de l’automne,
comme l’épi de blé
monte des champs parfaits
vers le ciel,
en Cérès généreuse,
comme les navigateurs portugais
inscrivent leur nom
sur les stèles africaines,
comme les plaisirs érotiques
hindous
fondent dans la pensée
des Pandits,
comme les portes de la matière
s’ouvrent aux chercheurs
de substance charnelle,
comme le jet d’eau
se répand dans la voûte
nocturne,
semblable aux yeux de Reine
à la puissance onirique
ou au parfum de la belle-de-nuit
ou au souvenir en soi
des êtres mystérieux
qui ont marqué
notre jeunesse inoubliable,
comme le chant de la lune
emplit l’Univers,
comme les mangeurs de perles
parviennent aux étoiles
et comme les étoiles
joignent les galaxies!


L'AURORE DES DIEUX

RECUEIL INEDIT. DU 30 JANVIER AU 16 AOUT 1996