La Grande Déesse
À la fine limite
de la mer de l’esprit,
sur une île onirique
aux édéniques jardins,
Règne la Grande Déesse,
Rhéa-Cybèle,
déesse aux larges flancs paresseux
d’innocentes nuées!
Dans ses grands yeux
en amande,
brille le Soleil
comme un grand aigle d’or
survolant la mer de rubis,
comme un navire
surchargé de mouettes de feu
dont la fumée
se confond avec le sillage,
cœur immortel de la mer,
corps fécond de la Déesse-Mère,
bouclier du dieu
preneur des villes,
lumière de l’homme,
source de l’univers!
En son sein,
où afflue le sang chaud
de son cerveau amoureux,
la Grande Déesse
Couve
les vallons rieurs
des oliviers puissants et tendres
de l’Amour
embrassant,
ainsi que des vastes et riches
wagons d’argent,
la plaine à blé
semblable au velours
à perte d’horizon
de la chevelure de Cérès
tombant sur la guitare cosmique
de ses épaules heureuses,
par-dessus les flots ioniens
de la mer de Sicile,
dans l’harmonie aquatique
qui résonne d’âge en âge,
des nymphes pélagiennes,
le Ciel à la transparence
d’aile de chrysalide
chargée de saphirs,
les Nuages d’hyacinthe
du Couchant
où les Dieux parlent
aux hommes
à travers leur manteau écarlate,
le Feu du vin doux
du crépuscule,
la Rue douce
des chênes ascendants,
l’Arc des pins triomphants de l’Hellade,
l’Allée noble
des palmiers hautains d’Egypte,
Le Lac profond
des cyprès ondoyants,
l’Île des amandiers espérants,
la Rivière des collines
de myrtes,
le Miel blond
des heures,
Les Sommets neptuniens
en marbre blanc
percé de mille Soleils,
la Naissance d’Aphrodite
dans les clavecins blancs
de l’Ecume,
au milieu du Silence
des poissons jouant
dans l’eau
au premier Matin
de la Terre,
la Beauté palermitaine
de l’architecture des vagues
tyrrhéniennes
apportant les chants
de la méditerranée
à Orphée,
l’Océan des vignes
étale sous les vents apaisés,
la Lune franche
de jeune fille accomplie,
semblable à un colibri aimé,
se mouvant royalement
dans l’air mystique,
le Portugal sonore
semblable à un vaisseau merveilleux
rouge foncé
se perdant dans la nuit infinie
ainsi qu’un amant émérite
progressivement disparaissant
dans les yeux noirs
d’une vieille hindoue,
le Fronton acropolitain
couronnant la Terre
pleine de grâce,
heureuse parmi les étoiles
bénies,
la Neuve chambre nuptiale
baignant dans le parfum
des fruits à venir,
bruissante de Soleils nouveaux,
tendue de houris
à la peau lisse et diaphane,
chantant le grand hyménée
du Commencement,
le Cygne immaculé
traversant le fleuve de soupirs
semblable à une flûte indienne
où serpente le Gange
langoureux et omnipotent,
la Côte de perles
aux bras scintillants,
semblables à la denture
des Sirènes,
la Cascade de bannières vertes
se précipitant dans l’Océan,
tout aussi vert,
célébrant en son milieu
la Victoire des nations,
la Large hanche des Persanes,
semblable à une vaste prairie
verte
s’étendant de part et d’autre
des monts du paradis,
s’épanouissant sous la pluie d’argent
tombant du Ciel
aux chemins fertiles,
les Visages de jasmin d’été
à l’arôme de lyre déployée,
par son éblouissante pureté
conquérant le monde
à la façon d’une étoile fixe
dont les rayons
feraient la Rumeur universelle,
l’Anguille,
dulcissime et flexible,
se balançant mollement
dans l’eau transparente,
semblable à la belle Salomé
avançant lentement,
mais voluptueusement
dans un palais d’onyx
aux trois mille miroirs
ainsi qu’une noire gondole
adornée
entrant à Venise
ou une Orée phosphorescente
de musique mélancolique!
Ainsi, la Grande Déesse
accouche-t-elle
de la brillante multiplicité,
de la divine richesse,
de l’éclatante vivacité
de l’Être,
Elle est jeunesse éternelle,
permanente beauté,
vitale perfection!
Sel de l’hymne,
elle en est
la courbe affirmation,
la pythique parole
et la Paix
sensuelle et mystérieuse!
LA GRANDE DEESSE
RECUEIL INEDIT. DU 12 OCTOBRE 1996 AU 11 JANVIER 1997