Ispahan


Les vagues moutonnantes
comme des chevelures de houris
et venant des confins indiens
de la mer d’Oman
harmonieusement s’accordent
dans la musique immense
des palais et des jardins
d’Ispahan,
Galaxie d’émeraudes
se mouvant dans un fleuve céleste
illuminé par des champs de perles,
percé de milliers d’yeux
de gazelle,
Splendide de terrasse verte
où s’accomplit le rapt de soi-même
par la Sainteté exubérante
épanouie en longue et robuste
tige chanteuse
d’héliotrope vainqueur,
Rire d’anabase joyeuse,
Invitation à un déluge
de félicité,
Ramage chrysolithique
de la paix ensorceleuse,
Victoire vitale
du printemps de la Vie,
Délice de l’Art et
Art du délice,
Couronne de pain
du désir,
riz de la satisfaction,
Miel de la communion
des personnes
en l’Islam de l’Esprit,
richesse pléthorique
du corps de la terre,
Etonnante, inépuisable,
incompressible douceur
de l’être,
Pomme de concorde
préférée des princesses persanes,
Grenade élue de Vénus,
Etendard naturel
de l’édénique liberté,
Muraille inexpugnable
de la Beauté perse,
Séraphique somptuosité
sonore,
Coupe pleine,
quintessencielle,
du plaisir invincible,
Offrande voluptueuse
de la rose divine,
Fontaine coranique
du Souvenir,
Portique de Zarathoustra,
Miroir de la sagesse,
Reposoir de rossignols,
Dépôt de bonté,
Berceau de l’Amour,
Alpha et Oméga
de l’automnal nonchaloir,
Balançoire interdite
de l’infini,
Porte sublime
de la nuit vaste
d’été,
Aurore des couleurs,
Ascension des philtres,
Empire universel
des parfums,
domaine enchanté
de la majesté langoureuse,
Source charnelle
de la puissance du lion,
Triomphe des coquettes
dans les espaces ludiques,
Mosquée vivante
unissant Adam à Eve
et l’homme à Dieu,
à la manière d’une frémissante
échelle d’anges,
Calme de l’oasis fertile
réunie au ciel,
Calme du désert de sable
réuni à l’océan,
Calme de la pluie
réunie à l’eau de l’Indus,
Navire amoureux
voguant sur le Baïkal noir
de la Séduction
ou sur la Caspienne merveilleuse
du Léthé,
Vigneraie nombreuse
nourricière de Rois,
consolatrice de héros,
de ses nuances douces
et chère aux soufis
remplissant le Grand Vide,
Pente du cœur
aux arbres pleurant
sous l’amour du Soleil,
chargés de fruits
brillant comme des rubis,
Prairie du Salut
bordée de palmes,
Pur azur de la Nostalgie,
Fauconnerie de la vérité,
Arcade blanche
du Rêve
ou de la contrition
ou de la repentance,
Paume lumineuse
du Seigneur,
Âme du Silence
des horizons lointains
aperçus des cimes
de l’Elévation,
Ombrelle du paradis,
Tente bleue
du Loisir inconnu,
Moisson de destinées aimées,
Jasmin de la Pleine Lune,
Bataille terrible
entre les coursiers blancs
du bonheur
et les coursiers sombres
du malheur,
favorable aux premiers,
Simoun soufflant
dans le Verger
des jeunes filles gracieuses
de Damas
comme dans une flûte
parfaite,
Mirage où apparaît
une plaine grasse
du Pendjab
ondulant ses mains
de blé
sous le baiser chaud
du Vent embaumé,
Souplesse et élan
de ruisseau
de haut pays,
Vertigineuse danse
de marbre de Kaaba,
Reine des abeilles
du Firmament!


Ô Ville
du Sud béni,
les poètes se prosternent
devant tes ébats enflammés,
car ce n’est que là
qu’ils trouvent
ta Beauté,
ô Cyprès élégant,
ô Colombier céleste
de leurs suffrages
Bienvenus!


LA GRANDE DEESSE

RECUEIL INEDIT. DU 12 OCTOBRE 1996 AU 11 JANVIER 1997