La Chevelure d’Aphrodite


La chevelure d’Aphrodite,
couleur d’agate,
de jais ou de saphir,
flotte, comme un Etendard idéal,
sur la Danse du Destin,
et serpente et Règne
ainsi qu’une Pietà,
une Amazone ou une Sirène,
sur la voûte nocturne du Sud,
parmi les aimants irrésistibles
des corps célestes aveuglants,
sur les villes saintes d’Asie,
sur les temples dorés de Palmyre,
sur les palais de Persépolis,
incendiés, dès avant Alexandre,
mais d’orientale volupté,
de léonine langueur
et de zoroastrienne beauté,
sur les colombes d’Eryx,
en la Sicile bienheureuse,
ce reposoir de Cérès,
sur les coupoles de marbre,
sur les sphères d’albâtre,
sur les pôles d’ivoire,
sur les châteaux de bronze,
sur les étoiles de nacre
incrustées dans le ciel peint
de l’Âme,
sur les rotondes de neige
illuminées par le regard amoureux
de Zeus,
sur le corps plénier,
sublimement tatoué
de flammes rouges,
des Heures vertes,
soupirant d’aise immense
en leur milieu
à midi,
sur le torse élégant,
svelte et pur
des jeunes Négresses,
sur le candide front amidonné
des prêtresses d’Artémis,
sur les hanches de sable
de la Terre-Mère,
sur les croupes blanches
des juments,
sur les lys blancs,
plus blancs que les bras
des nymphes,
sur les magnolias en fleurs,
sur les vergers vermeils,
sur les coquillages ronds,
intimement infimes
et étonnamment grands,
sur les stalactites
des cavernes souterraines,
éclatants comme des dents
de cristal,
sur les seins,
parés de violettes,
des montagnes de l’Attique,
sur les places royales
de rubis!


Ainsi qu’une fraîche Palmeraie
de la Syrie astartéenne,
multipliée par le vent de diamants,
la chevelure d’Aphrodite
s’étale
dans l’onde spatiale,
dans les ailes
de la brise,
dans les nuées
de l’aurore,
dans les passages d’hirondelles,
dans les ondulations
de la chair éphémère,
dans les chants des cymbales,
dans l’ombre des pins maritimes,
dans la rivière lisse
des oliviers d’argent
de la Palestine,
dans le Livre ouvert,
enluminé de pourpre
et d’azur
des ports de Phénicie,
dans la mer de Chypre
où Elle se perd
parmi les algues vertes,
dans les Oasis,
aussi généreuses
qu’inespérées,
rutilantes Ravisseuses
du Désir,
charmeuses voleuses
de la volonté,
dans les radeaux de perles
partant à la conquête
des Îles de la Tentation
Solaire,
dans les vigneraies de Grèce,
inondées d’innocent nonchaloir,
génitrices,
par l’ivresse qu’elles procurent
de la Fusion des Sens,
magnifique don de Bacchus
à ses extatiques enfants,
dans les poignants baisers
d’Amour
des roses rouges
parfumées et épanouies
que les danseuses sacrées
attachent à leur ceinture
et que les poètes adorent
de leur cœur hardi,
dans Cythère bénie,
belle parmi les belles,
dans les baies bruissantes
d’émeraudes éblouissantes,
dans les ruisseaux soyeux
du Liban,
dans les larges pactoles
d’Or,
dans les bouches
des grands fleuves,
dans l’eau dormeuse
des citernes,
dans les fontaines de rêve,
dans les puits de feu,
dans les miroirs
des lacs bleus d’Afrique,
dans l’abandon des tamaris,
dans les yeux,
tendres et compatissants,
des saules pleureurs,
dans le pelage,
fauve et brun,
des tigres indomptés,
dans la noire crinière
des coursiers en fuite,
dans le velours des prairies
nourricières de brebis,
dans l’horizon bleuté
des destinées sereines
comme des champs cultivés
à perte de vue,
dans les voiles déployées
des vaisseaux antiques,
et, enfin,
dans les ultimes rayons
du soleil couchant!


Là, Aphrodite-Vénus,
assise entre les dieux
en toges écarlates,
vêtue de sa robe luxueuse
d’hyacinthe
et couronnée de jasmins
plus blancs
que le Lunes de la Splendeur,
dévoile son ardent Secret
de gloire,
de grâce et de plaisir
infinis!


LA GRANDE DEESSE

RECUEIL INEDIT. DU 12 OCTOBRE 1996 AU 11 JANVIER 1997