La Danse du Devenir
Ô Astre des Astres,
fleur entre toutes les fleurs
choisie,
mon œillet unique,
mon vin d’ombre!
Ô ma terre
latine , grecque,
orientale,
à la tendresse
d’oliveraie ombreuse,
où la chair
est profuse et puissante,
nourricière de doubles flamboiements
intenses et aventureux,
luttant avec des fronts
d’hyacinthes,
se déversant
dans les ruisseaux auroraux
nés de tes profondeurs aromatiques!
Abondance et fertilité
sont les deux pôles
de ton corps,
où s’affirme
ton Devenir
polymorphe et sonore,
semblable
aux forces centripètes
de marbre,
au souffle des roses,
aux évolutions lentes
des armées de chameaux,
au mouvement des muscles
robustes et fiers
de la panthère des neiges,
au chatoiement à perte de vue
des grands léopards,
à l’énergie, travaillant
avec précision,
des jaguars fébriles,
aux manœuvres sataniques
des tigres agiles,
aux étirements voluptueux
des chats câlins,
aux caresses des guépards
contents,
chers aux guerriers
se reposant de la guerre,
à la soumission des pumas
mystérieux,
aux batailles harmonieuses
de lions,
au combat de taureaux,
à la danse fine
des Gazelles,
à la course éperdue
des zèbres de la beauté,
au trot gracieux
des alezans,
aux mustangs lunaires
à la queue
comme un Etendard islamique,
au passage merveilleux
des Lévriers du Tsar
des Russies
comme un éblouissement
de mirage,
au port admirable,
admiré,
de Biche-Reine,
à la démarche des nymphes
portant des voiles jaunes
multiples,
au bain de cygnes
impalpables
dans les lacs immatériels,
à l’antienne,
écrite avec les plumes
de l’Âme
des Aigrettes,
à l’hymne délicat
des flamants fragiles,
à l’envol solennel
des faucons apprivoisés
vers l’azur prometteur,
au décollage fougueux
des avions
vers les éthers espérés,
aux vibrations de Désir
émises par le cœur
dans les fluides élastiques,
aux copulations de boas
suggérant en leurs anneaux
les révolutions du monde,
aux torsions divines
des Anguilles,
à la flexibilité des couleuvres,
à la souplesse de la Soie,
à la liberté
des cordages des navires,
au poudroiement
des fonds de mer,
aux luttes de poissons
fantastiques,
au gondolement des lagunes
couronnées d’oiseaux blancs,
aux ondulations des dunes
du Désert,
à l’ondoiement des mosquées,
au balancement des cloches,
au Sacre du Soleil
triomphant,
à la croissance de la Lune,
aux fleuves de rubis,
aux assauts
de l’eau des torrents,
au flux de sang ivre,
a la cascade ardente
des Sens baptisés
dans le feu,
à la gestuelle féroce
des Flammes,
au pelage magique
des fauves heureux,
à la fourrure riche
des zibelines fécondes,
aux sauts des kangourous
adroits,
à la marche royale
des manufactures de porcelaine,
à la traversée transcontinentale
des nuées hautes,
aux brumes matinales
de la Luxure,
à la fermeté plastique
des fruits des vergers
de Syrie,
au chant des papillons
butineurs-maîtres
des Lys blancs,
à la musique du parfum
des rouges œillets,
aux volutes
de la mélodie des rossignols,
aux roulements de tambour
de l’appel amoureux,
au heurt des cymbales
du Plaisir,
aux flûtes bucoliques
du nonchaloir primitif,
à la berceuse
des Palmes,
au Rythme des Sources,
aux ascèses du Fer,
aux avancées
du Granite de la Jeunesse,
aux volumes langoureux
des montagnes proches,
à la victoire éclatante
des Pachas de la Chair,
à l’hyménée
des Colonnes du Paradis!
Ô Joconde de Beau Manoir,
ô Rachel des Bienheureux,
ô Salomé du Tabernacle,
ô Isis de la Foi!
Tu es un pli de l’Être,
un œil de l’Eternité!
Car tu es le Devenir,
le Mouvement Immortel,
la Muse-Temps,
la Mère-Destin,
la Nature Génitrice,
la Prime Image,
la Substantielle Beauté,
la Synopsis du Monde,
la Voie du Milieu
de la Vie!
LA GRANDE DEESSE
RECUEIL INEDIT. DU 12 OCTOBRE 1996 AU 11 JANVIER 1997