L’Arrêt de la Beauté


Sur l’opulent tapis de la Création
où errent les étoiles,
j’ai illustré avec les mains de l’Esprit
la Parole
de livres sacrés inconnus!


J’y ai fait figurer
avec une précision
à moi inspirée
par Aphrodite,
ma souveraine et déesse,
la fermeté et la vigueur
des Pommes parfaites,
la paix des blés,
le reposoir des oiseaux,
la lumière des cyprès,
la tranquillité divine
des coteaux de vigne,
la douceur
des vallons de l’Attique,
le cristal des montagnes,
les roses des lèvres
des jardins du Hedjaz,
la royauté joyeuse
des bananeraies d’Indochine,
l’innocence des Palmes
de l’Inde,
le rayonnement éblouissant
des corps
régénérateurs de l’Esprit,
pareils aux hauts minarets
yéménites
ou à la Méditerranée bienfaitrice,
la Puissance
et la souplesse
des Portes de l’Egypte
de la Chair,
l’éclat dionysiaque
des crépuscules
en pourpre flamboyante,
pareils à une fête
héliogabalesque,
la splendeur des flammes
de la Résurrection,
l’Amour des diamants noirs
étincelants,
l’extase des nuits embaumées
d’Alger,
la passion des colombes
tournoyantes,
à la robe d’ailes
tantôt se refermant,
tantôt s’épanouissant,
la grâce des voies
romaines,
l’harmonie des monts
d’Oliviers,
la fraîcheur des bois
de cèdres du Liban,
le balancement
de l’Allégresse,
la danse de la Réalité
sur les vagues phosphorescentes
de la Vie,
le tangage
de la vérité
par-dessus les océans
des volcaniques yeux,
la beauté vaporeuse
des nymphes,
le Rêve des Cimes,
la grotte
du sexe parfumé
de la Glèbe,
pareil une fontaine
souterraine,
source de plaisirs sans fin
de la Terre,
ou à une serre
aux plantes aromatiques
baignant dans la chaleur
de l’Âme,
le jais de la force
animale,
le rubis de la jeunesse,
l’améthyste bénie
des rivières marocaines,
les balles de coton
de la volupté,
la rondeur des places
de marbre,
comme une horloge
du Temps maternel,
le feu de l’oiseau
de platine
de l’Astre de midi,
l’arc-en-ciel mouvant
des voiles afghans
dissimulant et manifestant,
en même temps,
les arrêts de la Beauté,
la respiration des amantes,
pareille à un jet d’eau
de l’Alhambra
ou à l’haleine
d’une Oasis lointaine
ou à une voix aimée
dans le silence
du désert sahraoui,
les chevelures odorantes
des Dryades,
semblables à des étendards
des armées victorieuses
vénusiaques,
la fierté des blancs chevaux
se proposant,
avec leurs poitrails,
leurs cuisses et leurs croupes
élastiques,
à l’espace illimité,
le sourire bienheureux
des amandiers en fleurs,
le rire des jasmins
de l’été,
la saudade des émeraudes,
la blancheur
des genoux lisses
des Houris,
pareille à la neige
de Décembre,
la marche aérienne
de la Liberté,
le lent Désir royal
soulevé par la peau
des fauves,
le souffle caressant
des pins bienfaisants,
la musique des bazars
turcs,
et, enfin,
la Sphère des hanches
d’Aphrodite,
Offerte au dieu des combats galants,
comme une mer coralline,
comme une plage indienne,
comme une île parée
de milliers de cocotiers,
comme une nuée printanière
féconde,
comme une pente
aux pâturages suaves,
comme un domaine
riche en moissons,
comme le centre
d’une rotonde sylvestre,
comme une orangeraie
du Paradis,
comme une ruche de miel,
comme une coupole de sucre,
comme une coupe
de vin rouge,
comme un tourbillon
de sperme,
comme une pagode secrète,
comme un Kiosque
de prince moghol,
comme une tente d’Antiope,
comme une Lampe d’or,
comme un rond échiquier
de forces opposées
en équilibre instable,
comme le disque
de la Lune Régnante,
comme une voûte ardente
et comme l’Univers
dans sa transparente
Totalité!


LA GRANDE DEESSE

RECUEIL INEDIT. DU 12 OCTOBRE 1996 AU 11 JANVIER 1997