Ode à l’Amante-Terre


Rien ne peut arracher
à la Terre
l’Arbre de ton Corps!
Rien ne peut extraire du sol,
par toi parfumé,
tes Racines multiples
comme les mille et une
nuits d’Arabie,
ni les incendies célestes,
ni les crépuscules fulgurants,
ni la lave des volcans,
ni les hivers attentatoires
à la jeunesse,
ni les rivières impétueuses,
ni les lacs écarlates
en ébullition,
ni les houles d’émeraudes,
ni les tourbillons de diamants,
ni les orages de saphirs,
ni les inondations d’améthystes,
ni les ouragans de perles,
ni les cataractes de quartz,
ni les pluies de phosphore,
ni la chute foudroyante
de comètes d’agate,
ni le choc de météores
sur la Glèbe!


Fidèle à la Terre,
toute à ton songe terrestre,
tu promènes, ainsi qu’une Indienne,
tes pieds nus
sur les routes du Monde!
Seule la poussière des chemins
ose affronter
ta Liberté!


Tes seins sont l’emblème
de ton Corps indéracinable!
Leurs courbes superbes
sont suggérées
par les coupoles
blanches et bleues
des églises de la Mer Egée
et par les maisons
aux portes d’azur,
où l’Âme prend
son bain de jouvence
et accède à Hébé,
l’épouse adolescente,
jamais vieillissante,
d’Hercule,
jamais morte,
de neige, de soleil
ou de feu intérieur!


Drapeau de ton être mystérieux et fantasque,
tes hanches ont la solidité
des coteaux de vigne!
Elles épousent la plasticité
des collines méditerranéennes,
peuplées de pins merveilleux,
et celle des plages,
polymorphes, changeantes
éternellement variantes,
immortellement belles,
immanquablement polies
par le baiser des dieux,
pures comme le sourire d’épousée
de Vénus
et comme la colère virginale
de Diane,
nobles comme les bras
de Minerve!


Et l’Ode de tes hanches
finit par s’associer,
en vue d’un règne commun,
à l’Hymne de la Mer,
se révélant à Elle-Même
et au silence solennel
des montagnes transparentes et violettes,
comme un Rêve d’aurore d’été,
comme un champ de Neptune,
comme une nuée faite de lilas,
comme une Incarnation solaire,
comme l’Avatar grandiose
d’une divinité hindoue,
comme une ascension périlleuse
dans les vapeurs de la Création,
comme un puits ouvert
sur le ciel,
comme la vasque
d’une fontaine du Paradis!


Car tes hanches
sont le sel de la Terre!
Leur mouvement souverain
et leur balancement flamboyant,
semblables au tangage des vaisseaux
ivres d’océan,
provoquent le tournoiement
du Désir,
allument la Danse du Soleil
des Sens,
et remplissent l’Univers
de la musique des astres,
des chants de bronze,
des poèmes de l’Or,
des mélodies du Rubis,
des mélopées de l’étain,
de la polyphonie
des Fleurs,
des métaphores de la Soie,
des allégories de la dentelle,
des ellipses des jets d’eau,
des onomatopées de la peau ocellée
des Fauves,
du heurt des cymbales
des Bacchantes,
du tambourin de Naples
et des tarentelles
de l’écume ionienne
ou tyrrhénienne!


Mais tes armes
les plus puissante
dans les batailles galantes
universelles,
sont tes cuisses,
étincelantes comme des sabres
de flammes,
robustes comme des zèbres
galopants,
agiles comme des reins
de tigres,
souples comme des palmes
ployant sous le vent!


Leur forme sublime
est inspirée
par les rues sinueuses
des îles
pavées de galets blancs,
par la vigueur sereine
des temples de Sicile
et par la prodigalité
de Rome et d’Asie!


Quels que soient
leur source
ou leur modèle,
tes cuisses sont
les piliers de l’Eden,
les sentiers princiers
menant au Jardin des Roses,
les aventures des délices
de l’Amour,
les Ramblas du Bonheur!


LA GRANDE DEESSE

RECUEIL INEDIT. DU 12 OCTOBRE 1996 AU 11 JANVIER 1997