Lettre à un Poète
À l’ombre d’un mûrier de Chine,
j’écris cette lettre
dont tu es le destinataire,
toi qui es le témoin de la splendeur du monde
et le gai génie de la liberté!
Si je ne me trompe pas,
tu es le fils naturel
d’un olivier en fleur et d’une rose
et tes aïeux maternels étaient
un églantier et une roseraie
dont les noms respectifs étaient
Joachim et Anne!
Je crois savoir qu’Anne
chantait comme une agnelle
sur les collines de Dieu,
sous la voûte nocturne
constellée de grandes perles
où les chérubins jour et nuit
entonnaient le tropaire de Zarathoustra!
Si tu vœux faire bonne œuvre,
ne parle guère de tes larmes,
bien naturelles après tout,
puisque tu n’es pas sans savoir
que le poète est partout un étranger!
Dis plutôt les félicités de ton existence,
chante ta Bien-Aimée
au corps de rose rouge
et de violette blanche!
Oui, célèbre le balancement de ses fesses
sur un ton suave,
acclame les blasons de sa chair!
Et fête la table d’or et d’émail
tournée vers l’Orient,
où tu déjeunes avec ta délicate Amie
au banquet du crépuscule sacré,
cependant que des flûtes droites
s’envolent les douces flammes
de la plénitude
et que des flûtes traversières
s’élèvent les mélodies
du premier matin
passé sur la terre
par Adam et Eve,
au milieu des hosannas
des anges de l’Eden
et des trompettes s’élançant dans l’azur
et prenant la citadelle de la volupté!
Oui, sois profond comme le désir
et sage comme le plaisir!
Et que ta sagesse soit dictée par le plaisir
dont la Terre est l’auguste Mère!
Ne cherche pas l’originalité,
si cela doit être aux dépens de la beauté!
Que tes cantiques soient
l’expression adéquate
de la vie transcendante
et de la justice immanente!
Je te souhaite une longue vie,
ad multos annos!
Ton frère en l’immortalité!
LE BRAHMANE ET LA FILLE DE RADJA
RECUEIL INEDIT. DU 28 AVRIL AU 4 MAI 2007