À la Reine Métisse


Ô Phacochère solaire
de savane du Nord sacrée
que personne n’a jamais capturé
jusqu’ici!
Ô Pezize convoitée
par tous les bergers!
La peau de pêche de Pavie
de ta hanche labile
fait languir tous les pourceaux
mangeurs de perles!


Au phalanstère
où tu crées ton Âme,
tu es un oiseau
parmi d’autres oiseaux
libres de leur mouvement
et la principale
chanteuse et amante!


Tu es un grand lépidoptère
virevoltant autour des arbres
les plus vastes de la forêt
et je suis un de ces Arbres
dont les prunelles
sont magnifiées
par la vision
de tes ailes somptueuses!


Monumentale et rouge
comme un tata,
tu déploies,
de tes aisselles
jusqu’à ton pubis,
tous les fastes de la terre!
Et tu formes
autour de ton ombilic
un delta intérieur
dont les crues
assurent ton opulence
de Reine de rizières!


Tu es une Impératrice
du Grand Jolof
et ton Empire
s’étend entre le Sénégal de tes cuisses
et la Gambie de ton sexe!


Tu es une souveraine foulanie,
à la fois blanche et noire,
et dans les cales de tes navires
dansent les Nègres
désenchaînés
et ta voix parvient jusqu’à Casamance
et les îles du Cap-Vert
et de là
au Portugal
dont les ports se remplissent
de ses modulations immortelles!


Tu es un pectoral
pharaonien
dont la magie
protège le coeur des Poètes!


Car tu es le Verbe
d’une Déesse enchantée,
le souffle même
de sa bouche,
l’élocution
de ses lèvres épanouies,
le vent de l’émail
de ses dents,
la Rose de sa langue,
le ruisseau de sa salive
charriant jacinthes
et nénuphars
nés dans sa gorge
lotusienne,
l’harmonie de sa chevelure
d’où rayonnent
tous les parlers
et toutes les chansons
du monde,
la mélodie d’ambre
de ses épaules,
la vergue d’acier
de son ossature
de son ossature vertébrale,
le Nombre d’Or
de sa croupe pythagoricienne,
le Temple de l’Aurore
de ses jambes
et la Lune cachée
de la plante
de ses pieds légers!


Ô Phénix de la Beauté,
je t’offre ces pièces
comme des Eaux musicales
s’élevant d’étage en étage
aquatique,
comme des filets d’Océan
où se prennent les jouvencelles,
comme des paquebots
des Délices,
comme signes
de mon périastre
autour de ton corps
et comme marques de mon périsélène
autour de ta face fascinante
de fée!


Ô Kaïlouane gracieuse
ainsi qu’une péri,
complais à ma volonté
de te séduire
comme un rossignol
chantant sur la plus haute branche
de la Terre
par des trilles
entraînant les étoiles
dans une danse divine!


Ô Ardente
comme une liqueur de cocotier,
sois l’Eurydice mulâtresse
de ma flûte
de Noir Orphée!


VOIX DE SAFRAN

EDITIONS ENCRES VIVES. COLL. LIEUX. NOVEMBRE 2000