À la Superbe Mudéjare
Ô Superbe Mudéjare,
les émeraudes de tes prunelles
s’échangent contre les rubis de mes yeux
en un feu de Bengale
qui s’élève en gerbe évasée,
puis disparaît dans la nuit bleue
d’Andalousie!
Car tes prunelles
sont la mer immense
qui baigne Malaga
et dont la respiration
parvient jusqu’à Grenade
par les nuits d’été
où la Lune
rend la rumeur lointaine
lumineuse!
Tu es la muleta
grâce à laquelle
je bats le taureau
de la Matière
et je suis moi-même
l’Aurochs volant
qui subit ta puissance tragique
et s’exalte
dans la Passion de ton Amour,
ce mouvement
qui emporte toutes les palmes
comme le vent du Sud
soufflant du Désert Saharien!
Ton corps royal
est la pierre de la Kaaba
qui aimante mon esprit
et vers laquelle
se dirige ma prière
du Moghreb
comme une flamme
du Mouloud-al-Nabi!
Tes hanches
fines comme des pêches
sont pareilles
à des chapeaux de champignons
extraordinaires
ou à des boules de cristal
tournoyant dans l’air raréfié
de mon champ de vision
illimité
et ont pour moi
la Séduction des sourates
du Livre Révélé!
La mudra
que tu formes
en ma faveur
à la fin de ta danse
poignante
de tes mains délicates
comme des étincelles d’Anges
arrête momentanément
mon coeur
qui vite se ressaisit
et inonde de sang
mon cerveau et mon sexe!
Tu es le mustang
dont je maîtrise
à grande et douce peine
la Sauvagerie,
tellement il gambade
jusqu’aux montagnes
du Firmament
de ses brusques mouvements
d’antique Vertu!
Mais il finit toujours
par m’aimer,
tellement la Chair
est unie à l’Esprit
et en est
la Raison intrinsèque
et le Verbe transcendant!
Tu es un mustélidé
d’Arménie,
tellement ta robe
est blanche
dans tes hivers
et fauve
dans tes étés!
Tu es une hermine multipare,
tes enfants étant des poèmes
naissant de ton union
célestement légitime
avec le Poète
qui t’enlace
de ses folles pensées
créatrices de progéniture
longue et heureuse!
Tu es la mulsion
que je pratique
sur le sein du monde
et tu es
ce même lait
parfumé de miel de thym
qui pénètre
dans mes artères
et transfigure ma pensée,
la fécondant
comme un limon d’or!
Accepte ce Dit,
ô Fée magnifique,
comme un bardot écarlate
né de nos amours
de cheval à la robe ébénine
et d’ânesse de feu!
Agrée cet Ecrit,
ô Fille fabuleusement voluptueuse,
comme une musique de luth
réservée aux Reines de ce monde
et à leur chant
qui ouvre des alcôves mystiques
dans l’Azur!
VOIX DE SAFRAN
EDITIONS ENCRES VIVES. COLL. LIEUX. NOVEMBRE 2000