À la Danseuse de Farandole


Ô Fille au cou de flamant,
à l’haleine de troène,
ô landau de troïka
faisant craquer les feuilles mortes
sous tes roues de chêne,
tu es le tremplin unique
d’où je m’élance
dans les hauteurs insoutenables
et d’où je plonge
dans les profondeurs inaccessibles!


Tu es le triboulet
avec lequel je mesure
le diamètre du ciel!


Tu es le triangle élastique
que je fais résonner
avec ma baguette d’acier!


Tu es la yole
qui me transporte
à l’île aux émeraudes!


Tu es le voussoir
du tunnel que je creuse
sous les Alpes
afin de toucher,
ô Miracle!,
la terre sacrée d’Italie!


Ô Rameau fleuri
de myrtille
poussant dans les Cévennes,
ô éristale
qui te nourris exclusivement
de nectar,
ô fleur de trigonelle
irriguant ta peau de crème!


Tu es le conatus
qui maintient mon Âme
en vie!


Tu as la concaténation
des Causes
de mon plaisir!


Tu es la Monade
par laquelle je remplace
la Triade Capitoline!


Car ton corps xanthoderme
est un lieu de Consolation,
une église de palmes,
une prairie de luths
et de violes,
une rivière où se désaltèrent
les génisses plantureuses,
un nid où les hirondelles
conversent et chantent,
un trou sous le sable chaud
où les autruches enfouissent
leurs oeufs,
une fraiseraie en fleur,
une framboiseraie fragrante,
une terre d’où s’élèvent
les ypréaux,
une mer d’yeuses,
un lac planté
de rêves aquacoles,
une source d’indigotiers,
une fontaine nazride,
un champ de farigoule,
un pré de farlouses,
un nimbe de nues,
une gorge d’Aragon,
la Sierra de Guadarrama
faseyante comme une voile,
l’Ombilic d’Al-Andalous!


Ô Lori d’Océanie,
fantastique
qui passes en somptuosité
l’arc-en-ciel hyperbolique,
ô jouvencelle aux volutes foisonnantes
de cheveux d’or,
ô danseuse de farandole
au pas sinueux,
tu es la Carlotta Grisi
de mes yeux,
tu es le ballet de Gisèle
de mon coeur,
ô toi dont la démarche
à elle seule
est un ballet aux couleurs
universelles,
ô toi dont l’apparence
est celle d’un papilionacée
ou d’un lépidoptère
et l’Être
la Paix des Cygnes!


Ô mon Amante mozartienne,
à toi seule
tu es une musique de génie,
un monde
où les couples
aussi divers que les fleurs
et les oiseaux
se font et se défont
selon l’humeur fantasque
de la brise d’été!


Que Papageno et Papagena
t’inspirent le secret
le plus étrange,
le mieux caché
au fond de la fontaine
de l’Âme,
le mieux partagé
par les existences valeureuses,
celui de l’Amour
aussi rare qu’un azur
d’Albatros
ou une altitude
de Phaéthon!


VOIX DE SAFRAN

EDITIONS ENCRES VIVES. COLL. LIEUX. NOVEMBRE 2000