À Cléariste la Sicilienne


À pas feutrés
tu pénètres dans ma vie
comme un clavecin très modéré
et tu m’emplis de l’onde
du lac Victoria!


Si pure est ton eau
que je la compare volontiers
à l’eau de la quatrième cataracte
du Nil,
et tel est le bonheur
que je ressens
quand j’y bois
ou m’y plonge
que je crois,
ô merveille!
te voir en train
de dénouer ta chevelure à la savante et nippone
coiffure,
au soir de notre première rencontre!
Ou je me vois
en train de savourer
une fraîche jambose
à ma descente des Andes
ou je rêve
d’un jaguar du Mexique
bondissant par-dessus les eaux
de l’antique lac
de Tenochtitlan!


Comment ne pas rêver
de toi,
puisque tu es
le renard bleu des songes,
l’isatis blanc
comme neige?


Comment ne pas lancer
des poèmes dans l’azur
comme des saetas,
puisque tu es l’isard des Pyrénées
aux cornes recourbées
et le chamois du Taurus!


Comment ne pas sourire
amoureusement
en pensant à toi,
puisque tu es
mon chamelon
poussant des petits cris
parmi les bratèlements graves
de ses congénères adultes
et mon petit oiseau
gloussant de joie?


En vérité,
je sens déjà
mon haleine avinée
par le désir
de l’aquarelle légère et transparente
de tes hanches à la courbe de Palme,
pures comme un cristal
de Baccarat
et pareilles
par l’innocence
aux ailes archangéliques
du balbuzard piscivore!


Pourtant,
tu as toute la sauvagerie bienvenue
d’un babiroussa
et je cherche à t’attirer
par mon appeau,
imitant les voix
de la savane!


C’est que Notre-Dame de la Solitude
a réuni
par une heureuse combinaison de qualités
ta violence
à ton raffinement
de subtile Arabesque
enchaînant sinueusement
les formes les plus diverses,
des plus étrangères
aux plus familières,
comme une concaténation
Divine!


Comment alors
ne pas appliquer
mille baisements
sur ton corps béni
que j’étreins
comme le Tabernacle
ou l’Ostensoir
ou une Icône de la Vierge?


Quand tu reçois
ces marques de Paix,
ces signes d’Amitié,
un chant s’élève
de ton sein
pareil à une cantate
de Pâques
entonnée par un choeur
de Péris!


C’est pourquoi
je me promets
de toujours
comme un petit papillon
butiner
de fleur d’olivier
en fleur de cerisier
ton nectar
comme Théocrite
cueillait le miel
sur la montagne bleue
de l’Hybla!


Longtemps,
longtemps je puiserai
dans tes eaux miroitantes
de Syracuse
le bonheur d’être
ô Cléariste Bien-Aimée,
ô Noble Sicilienne!


VOIX DE SAFRAN

EDITIONS ENCRES VIVES. COLL. LIEUX. NOVEMBRE 2000