À Une Femme Jolie


Non, tu n’es pas belle
comme l’Olympe au couchant,
oui, mais tu es jolie
comme le choc d’une comète
et d’une Lune de Saturne
où, sous le coup terrible
ressenti jusqu’à la Terre,
coule le sang du Soleil!


Non, tu n’es pas belle
comme la nuit de Zante
en Septembre
où les astres sans nombre
crépitent,
tisonnés par le Désir,
oui, mais tu es jolie
comme la face de Crète
tournée vers le Sud
quand souffle
le vent rouge de Libye
qui fait jaillir
les torrents de tes cheveux!


Non, tu n’es pas belle
comme le chant des cigales
dans les oliveraies
de Juillet,
oui, mais tu es jolie
comme la pluie de Novembre
qui fait boire
l’onde douce de l’Eden
aux semences nouvelles!


Non, tu n’es pas belle
comme le détroit de Messine,
battu d’espérance
comme un château hanté,
oui, mais tu es jolie
comme le cratère de Stromboli
où secrètement je forge
la cavale de bronze
à la croupe d’or
qui représentera un jour
ta gloire de vivre
pénétrée d’Amour!


Non, tu n’es pas belle
comme le canal de Suez
où les navires entrent
comme dans une vulve large,
oui, mais tu es jolie
comme la musique
d’un paquebot illuminé
qui vogue en mer Ionienne
et dont les hublots
sont les touches
d’un clavecin géant
faisant son miel
dans la ruche nocturne!


Non, tu n’es pas belle
comme une conversation
de vierges
qui a le goût
de l’eau fraîche,
de l’eau cristalline
et du pain de froment
servis en plein air,
à midi,
sur une nappe
de lin amidonné,
oui, mais tu es jolie
comme le balancement
de la flamme
sur les martèlements
du vent de l’Est,
qui me fait bondir
comme un tigre
tant est grande
ma douleur de voir
tous mes sens
bouleversés de fond
en comble,
éblouis
par la danse orgiaque
de ton corps de diamant!


Non, tu n’es pas belle
comme la splendeur
de la mer Égée
aux approches de Rhodes,
juste avant l’aube d’Août,
alors que la Pleine Lune
décline à l’horizon,
oui, mais tu es jolie
comme le culte de la bonté,
cette vertu inédite
dans le firmament moderne
pétri d’axiomes
sataniquement creux!


Non, tu n’es pas belle
comme le Dieu de Hugo,
tissant l’orgue cosmique,
oui, mais tu es jolie
comme une Révolte
de Seigneuresse
où les globules de rubis
voyagent en un fleuve
d’épices et d’Amour
sous la peau transparente
comme l’air d’été
d’une Dormeuse
au profil aristocratique!


CHAIR D' HIRONDELLE

ENCRES VIVES. JUILLET 2002