Du Poète Mystique


Le château de la mort
vacille et tremble,
des fondements
jusqu’au faîte!


Ce qui l’ébranle,
c’est mes allusions fréquentes,
constantes dans leur contenu,
à tes hanches vaporeuses
qui déposent
ainsi que des rivières
parties à la conquête
de la Joie
leurs riches alluvions
dans les sillons
de l’hémisphère droit
de mon cerveau
qu’elles rendent vert
comme la vallée du Nil
et fertile
comme la plaine de Thessalie!


J’y cultive le coton
qui fournit ton linge de corps
et de maison
et le blé
qui blondit et enrichit
la chevelure inondant
ta tête et ton esprit!
La monotonie
de mon paysage intérieur
est parfois égayée
de cultures de maïs,
ce blé mexicain,
dont tu aimes
comme une enfant
manger les épis grillés,
et aussi de cultures de fleurs
méditerranéennes
ou d’outre-mer
telles que les agaves,
les hibiscus
ou les roses trémières!


C’est pour toutes ces raisons
que je t’ai appelée jadis
mon Bien Souverain!


J’estime en effet
que l’Amour sensuel
est le Bien le plus précieux
de l’Univers
et un réservoir unique,
inépuisable,
d’anges, de cygnes, de cavales
et de poèmes!


Peu importe
que tel ou tel
livre religieux
hindou, musulman ou chrétien
n’en établisse
en toutes lettres
la légitimité!


La Légitimité de l’Amour,
j’ai su la recevoir
de ma chair et de mon âme
et je n’autorise personne
à la contester,
à l’amoindrir, à la bafouer,
à la ternir!


Cependant,
tes bonds et rebonds
de lionne,
au lieu de m’inquiéter,
m’apportent le calme,
la sérénité,
la confiance en la Vie
et une allégresse
qui aurait pu être religieuse
si elle n’était pas
toute terrestre!


Que sait-on des mystiques?
On dit qu’ils aiment fuir
la dure pierre de la réalité
avec leurs ailes géantes
d’aigles ou de condors!



Et moi je vous dis
que le mystique
est celui
qui a foi en la Terre,
en ses montagnes, en ses fleuves,
en ses mers,
en son feu interne,
en ses fruits!


Car la Réalité
est comme le coton:
elle est moelleuse
et ne se brise jamais,
à la fois
tendre et incassable!


Et si quelqu’un,
prenant prétexte
de ce que je loue
et vante tes fesses
douces comme des bonbons fondants,
s’avise à me traiter
de mystique de margarine
et de musicien sirupeux,
je lui répondrai ainsi:
que celui
qui a souffert
plus que moi
me jette le premier
la pierre!


Mais de grâce,
ne lapidez plus
le Poète!


Car il est
le monceau d’épices de la Terre,
son sel marin,
de même que la Femme
est une bouche délectable
que l’on approche
avec vénération
comme un texte révélé,
et un écrin
où sont gardées
toutes les pierres précieuses
du monde!


CHAIR D' HIRONDELLE

ENCRES VIVES. JUILLET 2002